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Pour un nouveau pacte social

Pour un nouveau pacte social

Les récentes lois sur le séparatisme et la sécurité globale sont un très bon exemple de l’effet pervers d’un excès de législation. Plutôt que d’empiler les lois et les mesures nous avons besoin de revisiter notre relation avec les populations françaises racisées. On ne peut pas jouer les innocents. Nous avons besoin d’affronter notre histoire.

On mesure l’inefficacité d’un gouvernement à son besoin « d’empiler » les lois et les mesures. D’en passer par les textes pour rigidifier les positions et accentuer les clivages. Si la loi est trop raide elle ne laisse aucun espace à la politique pour faire son travail « d’assemblage ». Si la loi est un cadre, la politique est un art. Celui d’appréhender une question dans sa globalité à travers l’histoire et la complexité de ses acteurs. C’est l’obstacle sur lequel se heurte aujourd’hui le gouvernement à travers ses textes sur le séparatisme et la sécurité globale.

Les récentes lois sur ces derniers sujets sont un très bon exemple de l’effet pervers d’un excès de législation. Visant les populations musulmanes et généralisées aux populations racisées, notamment noires et arabes, ces lois traduisent notre difficulté à assumer notre relation avec cette partie de la population – qui est française. Si la très grande majorité est en accord avec les principes fondamentaux de la République – Liberté, Egalité, Fraternité –, elle n’en pense pas moins que ces valeurs sont vidées de leur sens. Pourquoi ? Les raisons sont multiples. La première est le manque de respect des engagements de l’Etat. Dans son discours des Mureaux Emmanuel Macron évoquait le besoin de « faire aimer à nouveau la République en démontrant qu’elle peut permettre à chacun de construire sa vie ». Il a reconnu dans son interview à Al Jazeera que le modèle d’intégration à la française devait être amélioré. Mais aucun des 57 articles du projet de loi présenté au Conseil d’État n’aborde directement ces questions. Comment imposer des contraintes sans modifier en retour les institutions qui génèrent des inégalités et des discriminations en matière d’emploi, de logement, d’accès aux soins, d’éducation ? Le risque est réel d’affaiblir ainsi les principes républicains et d’accroître les menaces « séparatistes ».

L’opposition de l’Islam à la laïcité a aussi pour origine la confrontation de l’Afrique avec une Europe dominatrice à partir du XIXe siècle. Impossible de négliger cette partie de notre histoire qui au nom de la colonisation a mené des valeurs inspirées des Lumières, l’idée d’une mission civilisatrice dont est issue la laïcité. C’est bien au nom d’idéaux laïques que les seuls musulmans ont été exclus de la citoyenneté française (décret Crémieux) avec le statut d’« indigènes ». La laïcité est également associée avec des régimes autoritaires, répressifs, militaires soumis à l’Occident, avec des partis uniques, et socialement aux élites dirigeantes et privilégiées. L’article de loi sur les rapatriés du 23 février 2005, mentionnant le « rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » a été adopté par l’UMP. En Tunisie les élites laïques font partie de la grande bourgeoisie francophone.

Comment nous réunir sous les termes de République et laïcité ? On ne peut pas jouer les innocents. Nous avons besoin d’affronter notre histoire commune en toute transparence pour affronter la réalité. Le projet de loi du 9 décembre est une réponse essentiellement défensive et manque de solutions constructives qui ne peuvent passer que par la négociation. Au-delà des lois, seule la confiance mutuelle nous permettra de construire un projet commun pour la France sur la base de valeurs républicaines réinventées. C’est à cette confiance et au-delà des calculs électoraux que devrait travailler Emmanuel Macron et son gouvernement nous réconcilier et nous sortir de ces polémiques qui plombent l’image de la France à l’international – The New York Times nous fustige comme « islamophobes » et The Time a osé choisir Assa Traoré parmi ses guardians 2020 de l’année ! Notre économie et notre capacité à nous insérer dans le XXIe siècle sont en jeu. Nous avons besoin de transparence, d’honnêteté et de courage face à notre histoire. De réveiller notre capacité à réinventer la politique. C’est d’un nouveau pacte social dont nous avons besoin en urgence.

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