Dix ans à chercher sur la planète quel est le…
Même si l’affaire a au final mal tourné, la contre culture des années 70 nous a fait entrer dans une autre histoire. Pourquoi pas nous ? La culture reste le seul levier pour enrichir et imprimer les esprits, retrouver le sens du collectif, du politique, s’inscrire dans un nouveau cycle pour répondre aux questions vertigineuses et à la complexité qui nous assaillent.
L’idéologie néolibérale qui s’est imposée ces quinze dernières années n’est pas seulement le fruit d’une organisation politique et économique, c’est essentiellement un long travail de fond sur les esprits qui a commencé dans les années soixante dans l’Ouest américain. Une contre-culture animée par le besoin de liberté pour s’affranchir d’une société puritaine enfermée dans son conformisme. Un mouvement qui alimentera une utopie beaucoup plus radicale lorsqu’elle croisera la technologie et le capital dans la Silicon Valley. Une rupture dans le long fleuve tranquille des Trente Glorieuses et des certitudes qui alimentent le monde libre et qui va envahir toutes les strates de la société occidentale et l’ensemble du spectre politique.
Les idéaux de la contre culture mutent en stratégie d’entreprises ultra-libérales. Un récit libertarien s’installe
Les idéaux de la contre-culture, la libération de l’individu, l’hédonisme, la réalisation de soi délestés des pesantes inégalités sociales et culturelles mutent en stratégies d’entreprise ultralibérales. Apparaissent aussi d’autres formes de management : l’autonomie des salariés, le fonctionnement par projet, l’aplatissement des hiérarchies. Un projet libertaire et transgressif censé favoriser la créativité et l’épanouissement mais qui met à mal la cohésion sociale en délaissant les plus fragiles et en favorisant les inégalités. Un récit libertarien s’installe, porté des cercles de réflexion d’économistes, des journalistes, des leaders d’opinion, des lobbys et des artistes qui imposent peu à peu leurs idées dans la sphère culturelle et dans les médias.
Qui aurait pu penser que cette liberté, porteuse de paix et d’espoir dans les années cinquante, deviendrait soixante-dix ans plus tard un instrument d’oppression et d’acculturation ?
Nous tombons tous (presque) sous le « charme » de cette vague qui va trouver sa traduction politique avec l’élection de Ronald Reagan aux États-Unis et de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne. Un vaste mouvement de dérégulation économique et financier qui submerge les politiques occidentales en ayant de lourdes conséquences sur les acquis sociaux d’après-guerre. Qui aurait pu penser que cette liberté, porteuse de paix et d’espoir dans les années cinquante, deviendrait soixante-dix ans plus tard un instrument d’oppression et d’acculturation ? La fin d’un cycle commencé dans l’euphorie de la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale se termine dans un récit libertarien qui veut régler son compte à notre seul patrimoine commun, le politique et sa fonction régulatrice. Nous sommes au point de bascule.
La culture reste le seul levier d’émancipation qui ne peut être soumis à aucune tutelle idéologique, politique ni économique.
La main ne peut pas trembler pour inverser la tendance, retrouver le sens du collectif, du politique, s’inscrire dans un cycle qui occupe aujourd’hui le passé, le présent et l’avenir dans un même mouvement, à la fois rupture et prolongement des mouvements précédents. Les hippies à San Francisco ont cassé la baraque avec la liberté pour fondement il y a cinquante ans. Nous pouvons en faire tout autant pour les valeurs de sens et d’unité dont nous avons urgemment besoin pour entrer dans le XXIe siècle. L’histoire passe, balance, et la culture comme outil reste le seul levier pour enrichir et imprimer les esprits, un puissant moyen d’émancipation qui ne peut être soumis à aucune tutelle idéologique, politique ni économique. Un levier radical (au sens étymologique du terme, qui tient à la racine, au premier, au fondamental) qui irrigue les esprits et donne du sens et une raison d’être à nos existences et nos communautés. Comme l’a si bien défendu Gramsci, un « nouveau front culturel » à ouvrir pour passer à de nouveaux usages, de nouvelles relations.
Recréer le lien direct avec l’inspiration, la rue, les gens, l’espace public, la diversité, la multitude.
La première étape dans ce combat culturel est de dépasser le lien paralysant entre un pouvoir politique à bout de souffle et une culture organiquement et inconsciemment liée au pouvoir dominant. La tâche est rude, puissante, elle demande à la fois sérénité et rigueur pour s’extraire du confort des institutions et recréer le lien direct avec l’inspiration, la rue, les gens, l’espace public, la diversité, la multitude. Il existe un flot culturel permanent qui cherche à forcer les portes de nos imaginations, nous transmettre des mondes contradictoires et inédits. Il faut du courage et de la détermination pour donner de la visibilité à ces regards neufs, à ces émotions naissantes, à cette culture française qui se nourrit traditionnellement de tous les genres, les origines, les couleurs pour alimenter notre besoin de sens et d’unité.
N’attendons pas le bon vouloir du politique, Sortons des théâtres, des cinémas, des plateaux de Cnews pour investir les lieux qui nous ressemblent et nous inspirent.
C’est dans les marges que se construisent des agencements qui produisent de l’inattendu et c’est dans les espaces, quartiers, contrées inexplorées que nous ferons émerger ces nouveaux récits, ces nouveaux langages pour répondre aux questions vertigineuses et la complexité qui nous paralyse. N’attendons pas le bon vouloir des institutions ni du politique, mais réinventons par la culture ce monde que tout le monde attend avec une réelle impatience. Sortons des théâtres, des cinémas, des plateaux de Cnews pour investir les lieux qui nous ressemblent et nous inspirent. C’est là, ici, maintenant, hors de nos regards que l’inattendu se passe.
Dix ans à chercher sur la planète quel est le meilleur endroit pour vivre et comment. Quelques dommages collatéraux et à trente ans un changement de cap qui m’a fait comprendre le dessous des cartes en termes d’économie et de politique. Passionnant. Un retour aux sources depuis dix ans qui ne me laisse plus le choix sinon de renverser la table . Maxime : « Ne jamais lâcher l’affaire. »