Nous sommes en 50 après Mai 68. Toute la Gaule…
Biancoshock est un artiste urbain italien né à Milan où il vit encore aujourd’hui. Son projet artistique global a commencé en 2004 après une décennie passée dans la culture graffiti. Son passif l’a naturellement conduit à envisager la ville comme terrain d’actions pour son évolution vers des interventions artistiques plus conceptuelles et stratégiques. Selon ses propres dires : Art dans l’espace publique, expérimentations et « overthinking » ( beaucoup trop réfléchir ) sont les mots clés de sa pratique.
Interview traduite de l’anglais.

Où et quant a été faite la pièce ? Dans quel contexte ?
« Borderlife » est une série de trois installations créées à trois endroits différents des villes de Milan et Lodi. Le projet a été réalisé en 2016, sans permissions ni sponsor, sur mon initiative. Il s’agissait d’un projet indépendant qui tend à parler de notre époque. Des crises et du manque d’attention des institutions pour les problèmes sociaux tels que le chômage, la pauvreté et la solitude.
L’idée du projet est née au cours d’un voyage à Bucharest, ou j’ai découvert que plus de six cent personnes ( dont beaucoup de jeunes gens ) vivent sous terre dans les égouts. Et ce fait incroyable semble tout à fait invisible des institutions. C’est la raison qui m’a poussée à créer cette série de pièces.
« Je n’apprécie pas vraiment l’art qui n’a qu’un but esthétique, mais pas non plus celui qui ne sera que social, engagé et qui ne s’intéresse pas à l’impact visuel. La seule contrainte que j’applique à mon travail est qu’il doit toujours avoir un message à délivrer. »
Pourriez-vous en définir le concept ?
Le projet pourrait se résumer en une phrase : “if some problems cannot be avoided, make them comfortable” ( Si des problèmes ne peuvent être évités, rends les confortables ). Paradoxalement, la série parle des gens qui sont obligés de vivre dans des conditions extrêmes mais elle met en scène les micro-environnements d’une maison qui n’existe pas. Dans certaines parties du monde, comme à Bucarest, il y a vraiment des gens qui sont si pauvres et marginalisés qu’ils vivent sous terre. Le paradoxe est là et la série représente d’une certaine manière la vision qu’ont les institutions : elles ne résolvent pas les problèmes sociaux. Des interventions sociales très exigeantes et coûteuses seraient nécessaires. Pour cette raison, au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes, ils essaient de trouver des solutions temporaires, conduisant ainsi à essayer de rendre plus confortable un problème social grave qui, du coup ne s’améliore pas.

Comment se construit votre réflexion avant de devenir une pièce artistique ?
De manière générale j’ai deux façons de créer un projet d’art dans l’espace urbain. La première : partir d’un message, d’une idée particulière et ensuite réfléchir comment la faire exister, quelle manière utiliser pour exprimer cette idée. La deuxième est en fait l’opposé : Les objets de l’espace publique que je rencontre, les situations, les contextes qui m’inspirent pour véhiculer un message. Dans cet exemple, l’expérience de Bucharest m’avait beaucoup marqué et je voulais aborder ce sujet sensible. Au fur et à mesure des années, j’ai compris que pour parler de sujets sérieux ou compliqués, la chose la plus importante à utiliser est l’ironie. Celle-ci vous permet d’attirer l’attention du passant, du « regardeur ». Une fois que vous avez cette attention, il est important d’avoir un message fort à transmettre. Seule l’ironie et l’effet de surprise que suscite les installations dans l’espace publiques peuvent porter un message important.
Je n’apprécie pas vraiment l’art qui n’a qu’un but esthétique, mais pas non plus celui qui ne sera que social, engagé et qui ne s’intéresse pas à l’impact visuel. La seule contrainte que j’applique à mon travail est qu’il doit toujours avoir un message à délivrer. Parfois ironique, parfois provocateur, parfois interactif. Et j’aime travailler de manière différente à chaque fois, avec des contenus, des techniques et des contextes qui varient. Je n’aime pas me répéter.
Pourquoi seule l’ironie convient-elle à ce genre de cas ?
L’ironie est l’un des nombreux outils qui peuvent être utilisés pour parler de sujets sérieux. J’aime le contraste qui se crée entre le premier moment, celui où le spectateur perçoit l’ironie du travail artistique, puis le deuxième effet, où il comprend alors que le sujet est sérieux et parfois humainement difficile à supporter. Pour cette raison, deux émotions différentes et opposées sont créées chez le spectateur, ce que j’ai aussi appliqué avec mon nom : Biancoshock ( blanc et choc ).

N’y a-t-il pas des cas où l’ironie pourrait être un ton problématique pour certains types de messages ? Avez-vous vécu ce genre de cas au cours de votre carrière ?
Bien sûr, vous devez faire très attention à la façon dont vous l’utilisez. Il est très facile de faire des erreurs et d’abuser de l’ironie. C’est pour cette raison qu’il faut toujours réfléchir avant une intervention, je construis d’abord toute la pensée logique, en évaluant si l’usage de l’ironie et le sujet en question peuvent convenir à la problématique que je veux aborder. Pour l’instant, il ne m’est jamais arrivé d’avoir un retour négatif, mais je répète que j’étudie beaucoup cet aspect.
Comment avez-vous réalisé l’installation en termes techniques ?
Apres avoir trouver l’idée, J’ai réfléchi à comment créer la série. J’ai commencé par un repérage pour trouver les trois « trous » dans des secteurs abandonnés et j’ai pris les mesures exactes de chaque. Puis en atelier j’ai préparé des panneaux de bois sur lesquels j’avais recréé des petites parties d’appartements. Une fois fini les trois montages, je suis allé installer les panneaux aux trois endroits prévus. L’effet final était intéressant.
Avez-vous reçu des réponses ou des implications politiques après que les pièces soient devenues virales ?
Non, pas de réponses politiques. Je me souviens simplement qu’à peine quelques minutes après avoir publié la série, des centaines de gens l’ont partagée et commentée. Des centaines de magazines ont publiés des articles sur le projet. Et jusqu’à aujourd’hui, je pense que ce n’est probablement pas ma meilleure pièce, mais c’est certainement la plus virale de ma carrière. Beaucoup de gens connaissent mon travail grâce à cette pièce.
Quel est votre avis sur le développement exponentiel de la scène graffiti / Street-art / muralisme dans la décennie que nous venons de passer ?
Je pense que nous vivons la période d’exposition médiatique maximale du phénomène street-art. Mais je pense aussi que nous courons beaucoup et presque uniquement dans le sens du muralisme. Il existe des milliers de murs gigantesques décorés par des muralistes, mais personne ne se soucie de l’entretien de ces œuvres, du copyright, de l’historicisation du phénomène.
Je ne fais pas de muralisme et ma pratique artistique n’a certainement pas une exposition médiatique le moins du monde comparable à celle du muralisme mais pour de nombreuses raisons j’en suis satisfait. Je préfère me définir comme un artiste publique contemporain plutôt que comme artiste de rue.
Comment pensez-vous que cela va évoluer dans les dix ans à venir ?
Je ne sais pas. Je pense que dans quelques années, la mode de peindre les façades des immeubles et les murs des banlieues sera passée. À ce moment-là, il sera intéressant de voir ce qui se passe. Quel sera l’avenir de tous ces murs ?
Personnellement, n’étant pas impliqué dans ce mouvement, je pense que pour les personnes qui, comme moi, utilisent tous les espaces publiques pour faire de l’art, peu de choses vont changer. Nous serons toujours dans la rue, sans permis, sans sponsors, sans galeristes improvisés, simplement dans la rue à faire notre art. Que cela plaise ou non.
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En savoir plus sur Biancoshock :
Site web : biancoshock.com
Instagram : @biancoshock
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LA PILULE ROUGE qu’est ce que c’est ? Pourquoi ? A quoi bon ?
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Nous sommes en 50 après Mai 68. Toute la Gaule est occupée par les condés … Toutes ? Non ! Un petit magazine d'irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l'envahisseur. Et la vie n'est pas facile pour les garnisons de CRS des camps retranchés de l’Elyséum, Matignum, Sénatum et Quaidesorfèvrum .... Belenos, dieu des arts et Toutatis, dieu de la justice, observent ce qu’il se passe depuis le ciel et tentent d’y voir clair …