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L’Edito : Anti-pass sanitaire et libertariens, même combat

L’Edito : Anti-pass sanitaire et libertariens, même combat

Tim Moen, candidat libertarien aux législatives canadiennes de 2014, faisait campagne avec ce slogan : « Je veux que les couples gays mariés puissent défendre leurs plants de marijuana avec leurs fusils. » Une philosophie du « vivre et laissez vivre », attrape-tout et belliqueuse, dans laquelle peuvent se reconnaître les ultra-conservateurs du Tea Party américain, les ultra-libéraux de Wall-Street comme les cyber-activistes d’Anonymous.

Entrez dans la galaxie Twitter des anti-pass sanitaire, et vous aurez cette même vision de la liberté, une quête de liberté abstraite qui s’apparente parfois à la rage et qui regroupe toutes tendances politiques, de la droite chrétienne en passant par la droite nationaliste avec Florent Philippot, l’extrême gauche antimondialiste, les Gilets jaunes, et les complotistes, qui trouvent là un terrain de jeu sans limites : Macron, big pharma, les manipulations génétiques, etc. On sait que le pass sanitaire participe à la société de surveillance dans sa globalité mais la réflexion que nous menons aujourd’hui sur ce sujet n’est pas à la bonne échelle. Chacun y va de son ego, de ses fantasmes, d’une volonté farouche de défendre son espace privé « Je suis, donc je fais ce que je veux. ».

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent des monstres. » Les monstres qu’évoquent Gramsci sont de toute évidence en roue libre. Les principes de rationalité s’estompent au profit de fantasmes de chacun en droit d’ajuster son comportement à sa vision de la vérité ou à celle de sa communauté.

Qu’est-ce que la liberté et qu’en avons-nous fait ? Rousseau rappelle dans Le Contrat social que la liberté naturelle consiste à faire tout ce que l’on désire, sans lois, sans contraintes, sans limites : l’homme ne répond qu’à ses instincts. La seule loi est celle du plus fort. Quant à la liberté civile ou liberté politique, c’est une liberté ordonnée, légiférée par des lois dans laquelle la paix est possible entre tous parce qu’encadrée par les lois. L’homme est dans la raison : l’intérêt général prime sur l’intérêt particulier.

La liberté politique est aujourd’hui en état de mort cérébrale, un long travail de sape initié (entre autres) par le couple Reagan-Thatcher dans les années quatre-vingt. Une mort par KO du collectif qui laisse le champ libre aux croyances naïves, aux valeurs obsolètes et étriquées qui accentuent l’isolement et la rancœur. C’est dans ce contexte « monstrueux » que se fédèrent les anti-pass et les anti-vax. C’est également dans ce contexte que se cumulent les candidatures pour les élections présidentielles 2022. Christine Taubira affirme avec raison ne pas vouloir se présenter pour ne pas accentuer l’éclatement de la gauche contrainte à l’antagonisme et au clivage pour exister sur la scène médiatique.

Comment reconstruire un récit collectif dans un contexte qui a perdu son fil rouge, sa raison d’être ? Pour reprendre les propos de Delphine Horveilleur dans la dernière interview pour notre magazine Hiya! à paraître, « Il est temps de lancer une contre-offensive narrative », un récit qui nous fasse oublier cette période indigne où tout projet collectif est considéré comme une entrave à la liberté individuelle.

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