Parler de digger ou de digging en musique signifie fouiller dans les bacs à vinyles des magasins de disques, des brocantes et autres solderies. Mais qu’en est-il à l’heure du streaming ? Qu’en était-il avant internet si on n’avait pas les moyens d’acheter des disques ?
Le digging fait éminemment parti de l’ADN du rap notamment par le biais du sampling. Les beatmakers allaient à l’assaut des bacs de vinyles pour trouver boucles mélodiques et drums, afin de composer les instrus sur lesquelles les rappeurs poseront leurs flows. Les Djs s’adonnent aussi à cette pratique pour étoffer leur mix ou affiner leurs échantillonnages. Ce qui fait que le digging restait cloisonner à une sphère de professionnels de la musique ou d’initiés. Mais surtout cette pratique demandait des moyens financiers. En effet comment se procurer ces galettes sonores sans monnaie sonnante et trébuchante ? C’était de fait une pratique réservée à ceux qui avaient un certain pouvoir d’achat. Pour être plus cash ce n’était pas une pratique de pauvres ou sinon au prix de certains sacrifices ! De ce fait cette pratique excluait mécaniquement les personnes sans le sou qui sont pourtant passionnées. Cependant une passion n’a pas de prix et ne peut s’arrêter aux porte-monnaies. Alors dans ce cas, il faillait hustle (se débrouiller) ce qui fait complètement parti de la doctrine hip-hop.
Le manque de moyens financiers serait donc un frein à un certain épanouissement culturel dans ce domaine comme dans d’autres ? Alors encore une fois comment nourrir cette envie presque irrépressible de collectionner de la musique ? Comment démocratiser la curiosité culturelle ? la rendre accessible à tous, sans une thune ? Telles étaient les questions qui se posaient à la jeune fille que j’étais.
Passionnée de rap depuis mon plus jeune âge, mais comment collectionner la musique de mes rêves sans avoir l’âge d’aller chez un/e disquaire seule et en plus en étant issu d’un milieu plutôt modeste ? Hey oui mes parents n’allaient sûrement pas m’acheter des disques/CDs hors anniversaires et Noël ! Étant donné que ces événements n’arrivent qu’une fois par an, cela réduisait grandement mon champ des possibles.
Le seul moyen c’était les cassettes ! Cassettes sur lesquelles, je pouvais enregistrer la musique que j’aimais via la radio. Si je tombais sur un des ces boîtiers sur lequel je ne pouvais pas enregistrer, il me suffisait d’une petite manip avec du scotch (si vous êtes né(e) avant la chute du mur de Berlin vous saurez sûrement de quoi je parle). Ce mode de fonctionnement pouvait parfois s’apparenter à de la chasse. J’étais parfois embusquée devant mon poste radio cassette, pendant des heures voire des jours afin de capturer le morceau tant désiré. Cette façon de digger demandait vivacité d’esprit et dextérité. Néanmoins ce n’était pas la même chose que d’avoir l’album de son/sa rappeur/rappeuse préféré/e…
C’est comme ça que j’ai eu mes premières mixtapes homemades ! Cette manière de faire limitait toutefois mes horizons, car il fallait se contenter de ce qui passait en rotation sur les ondes. Il y avait bien les émissions spé où l’on pouvait trouver des pépites mais elles passaient le soir parfois tard. Même la jeune passionnée que j’étais, avait besoin de son quota de sommeil de temps à autre. De plus, dur d’être discrète à ces heures tardives sans se faire pécho et manger une engueulade méchamment salée. Sans compter tous les autres désagréments ! Ta face A qui se termine en plein milieu de ton morceau préféré ! Le seum ! Bon, ce n’était pas la fin du monde mais il fallait juste retourner la cassette. Résultat, il manquait forcément des secondes cruciales au morceau. On faisait avec ! Le pire c’était quand ta face B se terminait durant le morceau. Là autant vous dire que c’était la merde ! A moins d’avoir une autre cassette sous la main très rapidement. Je me souviens aussi des animateurs radio qui parlaient parfois sur les dernières secondes morceau quand tu ne t’y attendais pas. Résultat : leurs voix sont gravées sur mes bandes magnétiques, S/O Pascal Cefran ! Mais tous ces petits défauts et ces petites emmerdes donnaient encore plus de valeurs à ces cassettes.
Voilà ma première expérience en tant que diggeuse sans thune. Mais ce ne fût pas la seule… La suite au prochain épisode. Stay tuned !