Dix ans à chercher sur la planète quel est le…
« Je n’ai pas de temps à perdre avec la résistance », déclare Sampsa, artiste finlandais de retour à Paris. « Je suis dans l’acceptance. Je fais. » L’homme est droit dans ses bottes, franc, direct, avec un milliard d’idées qui fusent dans sa tête. Il occupe depuis quelques jours, pour accueillir des réfugié.e.s, un immeuble appartenant à la Ville de Paris, géré par Paris Habitat et inoccupé depuis plusieurs mois.
Ses paroles dénoncent la criante évidence : « Paris est rempli de réfugié.e.s qui vivent dans la violence de la rue alors que par définition ils sont tous atteints après des mois d’errance et de rejet de trouble stress post-traumatique (TSPT). Si j’identifie un immeuble inoccupé, alors tout simplement je le prends. Je l’occupe. » Il a décidé de convertir cet immeuble de la rue Saint-Denis en espace de soins. « C’est la première chose dont ils ont besoin. » Un espace de paix, chaud, accueillant, avec des repas réguliers, des douches, des toilettes pour sortir du trou noir dans lequel leur cerveau s’est enfoncé. Rien de surhumain, un geste d’humanité, tendre la main, juste cela.

Après que Sampsa ai lui-même passé en « sous-marin » plusieurs jours dans la place pour déjouer les systèmes d’alarme et se déclarer officiellement occupant des lieux, son réseau s’est mobilisé. Sampsa ne mène pas seul ce projet, qui est une véritable entreprise. Associé avec Gaspard Delanoë, fondateur de plusieurs collectifs d’artistes, il a fondé avec United Migrants – une association de réfugié.e.s sans-papiers, de demandeurs d’asile – et Artist at Risk – qui sensibilise à la cause d’artistes persécutés dans leur pays pour des raisons politiques – le collectif « House of Healing 210 » (maison de soins 210). A l’initiative de Team, les meilleurs graffeurs de Paris se sont mobilisés pour donner une âme à ce lieu abandonné : Lask, Shore, Zoyer, Yellow, Kraco, Réa, Share, au total ils sont une trentaine à s’être précipités pour contribuer au projet. En quarante-huit heures chrono le bâtiment était transformé.

Cette entreprise (au sens étymologique du terme) mérite d’être saluée, que l’on s’y intéresse, qu’on la soutienne. Elle répond à cette inertie qui frappe toute l’Europe face au drame des réfugié.e.s. La façade du 210, rue Saint-Denis illustrée par Ernesto Novo représente parfaitement cette situation intolérable : confortablement installé devant leur télé, un couple regarde une embarcation qui dérive quelque part en Méditerranée ou dans la Manche. Sampsa est un activiste (dont nous reparlerons bientôt dans ces colonnes) qui ne regarde pas la vie et ses contradictions à travers un écran, qui n’attend pas que l’embarcation coule avec son lot de malheurs et de souffrances, que in fine, nous acceptons. Il réagit, vite, et avec professionnalisme. Mettre à l’abri les exilés, dans des lieux sûrs, protégés des intempéries et des passeurs, des lieux qui ne soient pas non plus des pièges vers la rétention et l’expulsion. Il s’appuie sur les compétences de spécialistes de troubles stress post-traumatique (TSPT) pour réunir une équipe de psychologues qui va accueillir les habitants du lieu. Il mobilise des professeurs de yoga, d’arts martiaux, de nutrition qui vont réapprendre à ces femmes, ces enfants, ces hommes les gestes et les comportements qui vont les faire entrer de nouveau dans la vie, leur redonner confiance plutôt que d’être triés et exclus.

Si nous voulons aborder avec dignité cette question de la « crise migratoire », nous avons besoin de lui redonner une profondeur, de la traiter comme un sujet historique qui a traversé les âges et dont nous sommes les fruits, nous avons besoin d’aller au-delà de l’actualité immédiate et de ses conséquences désastreuses sur l’opinion comme la banalisation du racisme, nous avons besoin de faire une place aux réfugié.e.s dans notre histoire collective, redonner ainsi un sens à notre démocratie déchirée. Les réfugié.e.s ne sont-ils pas des briseurs de frontières qui nous apportent l’air qui redonne sa force à notre monde ? « Donne-moi une maison et j’appelle tous les artistes et les activistes du monde, Banksy, les pussy riot, John Hopkins, les potes d’Assange… » répète encore Sampsa. Suivons avec beaucoup d’attention l’initiative du collectif 210. Sa multitude d’expériences, la qualité et la profondeur de son réseau permettent d’inscrire ce projet naissant dans une dynamique créative, positive et transnationale dont nous avons tant besoin aujourd’hui à Paris.

Dix ans à chercher sur la planète quel est le meilleur endroit pour vivre et comment. Quelques dommages collatéraux et à trente ans un changement de cap qui m’a fait comprendre le dessous des cartes en termes d’économie et de politique. Passionnant. Un retour aux sources depuis dix ans qui ne me laisse plus le choix sinon de renverser la table . Maxime : « Ne jamais lâcher l’affaire. »
Samsa, je l’ai bien connu durant son séjour en Équateur. Un artiste de talent et un humaniste au bon cœur. Bravo a toi Samsa, pour ce beau projet. Abrazo