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Danse & Débat #6 : De la socialisation à la compétition.

Danse & Débat #6 : De la socialisation à la compétition.

Toujours associée à la joie et au lien social, la danse hip-hop est basée sur les danses sociales. De la fête au défi et du défi au battle, la danse hip-hop semble être passée de la socialisation à la compétition.

Le défi

Le terme « défi » fut employé par les danseurs français des années 1990 avant qu’arrive le terme battle dans les années 2000. Le défi est une confrontation entre deux danseurs hip-hop ou deux groupes de danseurs hip-hop. La particularité du défi fut qu’il n’y avait pas la présence de jurys mais d’un public. La victoire était donc interprétée différemment selon la vision, souvent biaisée, des deux groupes concurrents.

Depuis l’apparition de la culture hip-hop en France, de l’année 1982 aux années 1990, la légitimité des danseurs hip-hop français se jauge via les défis qu’ils font, mais aussi d’être présent lors des soirées où ils performent à l’intérieur des cercles.

Beaucoup de danseurs hip-hop insistent sur la différence entre avoir été à l’intérieur du cercle et avoir été spectateur : « autour du cercle ».

Selon eux, les personnes qui ont marqué l’histoire de la danse hip-hop en France, à cette période, sont pour la plupart les personnes qui ont été présentes dans les soirées et qui ont marqué leur génération grâce à leur style, leur originalité, leur identité et leur témérité lors des défis ou à l’intérieur du cercle.

Le battle, une compétition

Sans évoquer la future présence du Breaking aux J.O 2024. Les danses hip-hop (locking, house dance, hip-hop freestyle, popping) s’affilient également à la notion de sport.

Le battle, c’est la compétition institutionnellement réglée dans le cadre de fédérations. Il est une institution de la compétition généralisée, au niveau local, national et international, avec ses règlements, ses techniques codifiées.

« Il est à noter que l’activité physique ne devient sportive qu’à partir de quand s’est constitué un champ de concurrence à l’intérieur duquel s’est retrouvé défini le sport comme pratique spécifique, irréductible à un simple jeu rituel ou au divertissement festif. »Divertir pour dominer.

Ce qui revient à dire que ce qui fait le battle aujourd’hui, ce n’est pas tant qu’il y ait de la musique et un rassemblement de personnes qui dansent, mais bien plutôt qu’il existe des fédérations, des compétitions, des règles etc.

L’entraînement à la compétition

On a tendance à penser que la danse n’est au mieux qu’une distraction populaire ou une culture du corps. Bouger, s’exprimer, s’amuser. En réalité, ce qui est à critiquer, c’est l’institution « sportive » du milieu.

De plus en plus de jeunes danseurs s’inscrivent dans des compétitions et coaché par un « entraîneur ». On leur enseigne la logique de la réussite, de la gagne, de la popularité via les réseaux sociaux. C’est ainsi qu’ils passent d’un échelon à un autre dans un système hiérarchisé. L’objectif étant de produire des champions ou des « mercenaires » sponsorisés par des marques.

Cet apprentissage des valeurs libérales est massif. On admire les champions qui réussissent grâce à leur talent mais aussi à leur travail. On connaît cette fameuse citation « NO PAIN, NO GAIN. »

C’est toujours la « violence » de la compétition qui s’impose. Le problème n’est jamais posé sur le fond. Quand on oppose deux personnes et qu’on décide de savoir qui est le meilleur, il n’y a pas d’échappatoire. C’est la logique compétitive qui fait que, nécessairement, il y a un gagnant et un perdant.

Alors que l’on nous présente aujourd’hui le battle comme un générateur de lien social, de rassemblement, il promeut en réalité l’idéologie de la concurrence généralisée et attise aussi de plus en plus l’individualisme.

La concurrence est le principe fondateur du sport : confronter les individus les uns aux autres.

Le battle, un acte « économico-culturel »

Le battle a commencé à devenir une institution quand les gens ont commencé à en faire quelque chose de lucratif. Cette pratique étant censé être un acte culturel de la danse hip-hop devient donc un acte économico-culturel.

Donner des stages et juger des battles dans le monde, être invité pour participer à un battle, et surtout, être payé représentait une grande opportunité. Cela donnait également accès à une posture importante dans le milieu de la danse hip-hop. Le battle devient donc un enjeu de reconnaissance, de professionnalisation et de mobilité sociale pour le danseur hip-hop.

Si on fait une frise chronologique des battles, on peut voir comment ce format s’est multiplié en moins de 10 ans. 

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