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Il est grand temps de saboter les pipe-lines

Il est grand temps de saboter les pipe-lines

Une fois n’est pas coutume, aujourd’hui une critique ciné. Sans l’immense culture cinématographique de notre chère Boulomsouk, en néophyte donc, je voulais partager mon enthousiasme pour un film vu récemment. How to Blow Up a Pipeline encourage à passer à l’action. Suite à la bataille de Sainte-Soline autour des méga-bassines, le film est aussi d’une brûlante actualité.

Il est grand temps de saboter les pipe-lines. La sortie prochaine du film Comment saboter un pipe-line, adaptation du livre éponyme d’Andreas Malm (La Fabrique, 2020 pour la traduction française) est l’occasion de se demander s’il n’est pas temps de passer à la vitesse supérieure. Bien sûr, tant le livre que le film invitent à ce passage à l’acte. Saboter leur économie est un geste d’auto-défense.

Le film n’a même pas besoin d’insister beaucoup sur les justifications. Pour le spectateur de 2023, Il va de soi que couper le flux du pétrole est une urgence. Casser, saboter, défoncer des voitures de luxe (SUV) ou des yachts de milliardaire sont des gestes moraux. Ne pas le faire nous met mal-à-l’aise. Nous savons que demain nous reprochera de n’avoir pas tout tenter pour arrêter la catastrophe en cours.

Comment saboter un pipe-line, trailer officiel

Les désarmer physiquement

Les mots, les manifestations pacifiques, les peintures, les interventions artistiques, à différentes échelles et de différentes manières, nous avons essayé. Tout cela fait du bien mais n’y suffit pas. Et, dans le fond, si la question était de convaincre la population, alors nous pourrions dire que nous avons gagné. À part des décervelés d’extrême-droite, des tarés de la croissance et des suicidaires grabataires (vieux qui veulent embarquer toute la planète dans leur mort), plus personne ne conteste que rien ne va.

Leur économie nous mène collectivement dans le mur pour le bénéfice à court terme de quelques uns. Et ces quelques uns n’entendent rien. Ils savent, ils ont conscience depuis des lustres qu’ils détruisent tout. Ils s’en foutent. Il ne s’agit pas de les convaincre mais de les empêcher de nuire. De leur retirer les moyens de destruction qu’ils ont mis en place. Ça passe nécessairement par la destruction de « leurs » biens. Et donc par l’action illégale, puisque la légalité s’est formalisé justement pour protéger leurs biens, la propriété. La propriété, bien plus sacrée que la vie sur Terre, que l’existence de la Terre, selon leurs codes. Brulons leurs codes (ou, plutôt, recyclons les en livres qui affirment la primauté de la vie).

Rien de légal ne les arrête

En 2020 Andreas Malm rappelait que tous les « sommets pour le climat » se sont traduit par une accélération de la destruction: « Nous étions alors en 1995. C’était la COP1, la toute première d’une série de sommets de l’ONU sur le climat, à Berlin. Les délégués sont sortis par une porte de service. Depuis, les émissions annuelles de CO2 dans le monde ont augmenté de 60 pour cent ».

Des scientifiques indépendants expliquent tous les méfaits des méga-bassines. Puis des décisions judiciaires en interdisent la construction. Elles sont tout de même construites. Au bénéfice d’une toute petite minorité, celle des gros agriculteurs contre tous les autres. L’État (la préfecture qui passe outre la décision de justice) et les plus riches du secteur (les consortiums agricoles) détruisent une région. Il est juste, légitime et nécessaire de les stopper.

Il est grand temps de saboter les pipe-line (et les SUV)

Du Fight Club à Comment saboter…, de la conscience à l’action

Pour quelqu’un de ma génération, le film résonne irrésistiblement avec Figth Club (1999) de David Fincher (adaptation du roman de Chuck Palahniuk). Fight Club et Comment saboter un pipe-line partagent une même urgence. Mais les différences d’époque sont flagrantes. Le premier réveillait des consciences endormies par des années 90 plongées dans un consumérisme inquestionnable. Le bonheur, la paix et même la convivialité sont dans le supermarché nous surinait la propagande d’époque. Fight Club contestait ce monde de carton-pâte qui nous fut vendu. Le second, Comment saboter un pipe-line, ne cherche pas à réveiller des consciences mais à passer à l’action. Maintenant.

Du star-système au héros collectif

Fight Club prolongeait le star-système d’Hollywood. Il s’inscrit dans une brève période (comme il en eu d’autres, dans les années 60 puis 70) de critique surgie au cœur du système. Il sortait la même année que Matrix qui utilisait tous les codes du film d’action dans une critique radicale d’un système nous abrutissant, nous convertissant littéralement en une chaire nourrissant une machine monstrueuse, avec notre adhésion. Quelques blockbuster de la fin des années 90 ont ainsi bousculé le conformisme consumériste de la décennie et, dans le même temps, rénover (et donc sauver) Hollywood.

Helena Bonham Carter, Brad Pitt et Edward Norton captaient l’écran, fascinaient le spectateur de Fight Club. L’ultra-personification de l’écran est le vieille recette de Hollywood, en symbiose avec l’idéologie profonde du capitalisme, centré sur l’individu. Au centre du monde, comme la star est au centre de l’écran.

Rien de tel dans Comment saboter un pipe-line. Si on s’attache volontiers aux personnages, ceux-ci sont assez multiples pour qu’il n’y ait pas de fixation sur l’un ou l’autre. Aucune star, de visage connu qui attire le regard. La petite bande qui entreprend de saboter des pipe-line est un héros collectif. Cela ne veut pas dire que les personnalités des personnages ne soient pas fortes. La disparition de l’Individu-roi ne veut pas dire la disparition de la personnalité des personnes. Elle offre une autre manière d’être au monde, d’être avec les autres.

Un film peu explicatif car les explications sont dans nos vies

Les motivations personnelles pour saboter l’industrie pétrolière sont aussi diverses que concrètes. Le film évoque un cancer, la spoliation d’un peuple, l’arbitraire d’une décision judiciaire influencée par un lobby. Bref, tout ce que font ce genre d’industrie à nos corps, à nos parents et nos formes de vie. On les saisi très bien avec relativement peu d’explication car les cancers sont là, les saccages des paysages sont là. Les venins sont dans nos assiettes. L’air est irrespirable.

A chaque fois, on comprend en très peu de scènes, et encore moins de mots, pourquoi chacun agi comme il/elle agit. Cette sobriété fonctionne car nous n’avons pas besoin d’être convaincu. La question n’est pas s’il faut le faire mais comment saboter le plus efficacement possible.

Il est grand temps de saboter les pipe-lines. Sortie retardée? Pas grave

La sortie dans les salles en France est annoncée seulement pour le 26 juillet 2023. Il n’est pas nécessaire d’attendre de le voir pour appliquer ses incitations à réparer le monde en cassant leur économie.

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