Pseudo de Jérémy Rubenstein, historien, chroniqueur et écrivain (pas forcément…
C’est une étrange image que celle de la mère de Nahel, assassiné à bout portant par un policier deux jours plus tôt, avec un sourire. L’incommensurable tristesse de cette femme pour qui son fils était tout ne s’exprime pas publiquement par un lourd silence et une face d’enterrement. Non, un poing levé, en nouvelle statue de la Liberté, et un sourire offert aux milliers de personnes venues partager sa tristesse.

Cette image, cette femme souriante, a immédiatement été commenté par tout ce que la France compte de fachos sur Twitter et Bolloré-TV. Voyez ces bêtes sauvages des banlieues, elles ne pleurent même pas leurs fils, elles rient. Elles n’ont pas le deuil en noir (la mère de Nahel a voulu que tous soyons vêtus de blanc pour la marche blanche), elles ne sont donc pas en deuil.
Les fachos-en-réseaux-sociaux (appelons les Triple-O) n’ont, dans leurs têtes, qu’une représentation du deuil. Aussi, n’importe quelle image qui ne corresponde pas à celle-ci serait la preuve de l’absence de tristesse, voire de cœur.
La platitude du fascisme
L’imbécillité du fascisme est ainsi résumé par le kitsch de son esthétique des sentiments. Les sentiments, chez les Triple-O doivent suivre une expression ostentatoire (au faussement pudique, soit la mise-en-scène de la modestie) répondant à un modèle qui se trouverait dans la mère sicilienne en deuil dans un film d’Hollywood sur la mafia. Kitsch.
La platitude des Triple-O est si parfaite que chaque sentiment s’exprime par une expression faciale, et une seule, qui ne tolère aucune équivoque. Lol :), Sad :/… etc. On comprend que les Triple-O aient toujours une longueur d’avance sur Twitter: cette forme d’expression se combine parfaitement avec leur forme de concevoir le monde. Plat.
Toutes les expressions du monde pour vous dire combien on vous hait
Pourtant il y a mille manières de saisir le sourire de la mère de Nahel, qui est tout sauf plat et kitsch. Il y a au moins autant de manières de comprendre son sourire que de personnes qui l’ont accompagné dans son irrémédiable tristesse. Des dizaines de milliers physiquement autours d’elle, des millions qui l’accompagnent dans son deuil.
Un deuil qui s’exprime et s’exprimera par de lourds silences, des cris de rage, des voitures brûlées, des discrètes larmes, des bâtiments détruits, des sanglots étouffés, des policiers attaqués, et le sourire d’une mère atterrée. Une mère dont l’effondrement s’exprime différemment, par un merci affectueux et combattant.
Toutes et tous avec elle, personne en elle
Peut-être pense t-elle à combien son fils eut été heureux de voir tant de monde indigné par notre police assassine. Peut-être pense t-elle à tout autre chose. Qui peut dire ce que pense et ressent une mère dont le fils a été assassiné ?