Film russe, vu à Cannes dans la sélection de l’Acid.
How to save a dead friend commence par un enterrement. Kimi est mort ; il n’a pas été sauvé. Tourné sur plus de dix ans, le film raconte l’histoire d’amour entre Marusya et Kyril, dit Kimi. Ça se passe en Russie autocrate de Poutine. On sent constamment le poids du régime, même si le film n’en parle pas directement.
Marusya Syroechkovskaya a commencé à filmer à seize ans. Elle dit qu’elle voulait en finir avec la vie : « Cette année devait être ma dernière ». Puis elle rencontre Kimi, qui n’est pas plus optimiste qu’elle. Ils se filment, ils s’aiment ; le film est un regard rétrospectif sur leur relation.

Aussi intime que soit How to save a dead friend, les premiers mots de Marusya après l’enterrement, sont : « Chaque fois que quelqu’un dit que la Russie est exclusivement pour les Russes, je me dis : c’est des conneries ! Tout le monde sait que la Russie est pour les dépressifs. »
Le film ne montre pas seulement la lente descente de Kimi dans la dépression et la drogue et sa mort par overdose, c’est surtout un portrait de cette génération qui a grandi dans la Russie de Poutine. Le film résonne très fort avec ce qui se passe aujourd’hui, la guerre en Ukraine, quand toute cette génération est envoyée au front. Le destin de cette jeunesse apparaît encore plus tragique. Dans le film, tourné avant cette guerre, il y a déjà des tragédies.

La voix de Marusya énumère tous les amis morts : « Liocha a sauté du toit. Ilya s’est jeté sous une voiture. Natasha a été tuée d’un coup de feu. L’autre Liocha a aussi fait une overdose, après avoir aidé Natacha. L’autre Kyril s’est pendu, Stas est mort dans un accident de voiture. Lena a aussi fait une overdose. Nous avons définitivement pensé que nous pourrions être les prochains. »
On parle beaucoup de la mort dans le film, mais il y a aussi beaucoup de joie et de bonheur, et les deux sont très proches, comme deux voies qui avancent en parallèle. On passe du plus grand désespoir à une immense joie. Ils parlent en plaisantant de leurs tendances suicidaires, assis sous un poster de Kurt Cobain. Quand ils ont un nouveau chat, ils l’appellent Ian, comme Ian Curtis, le chanteur de Joy Division, qui s’est suicidé à vingt-trois ans. « Mais les chats ne vivent généralement pas aussi longtemps, alors nous nous sommes dit que les chances que Ian répète le destin de son homonyme étaient minces ».
Plus tard, il y a les trajets de Kimi entre l’hôpital psychiatrique et l’appartement. C’est l’hiver, filmé entre les immeubles d’un quartier, quelque part à la périphérie de Moscou. Le film n’est pas monté dans la chronologie. On se repère dans le temps quand le président fait son discours pour la nouvelle année, d’abord Poutine, puis Medvedev, puis encore Poutine, et ainsi de suite d’année en année…
Ils étaient jeunes et ils ont grandi sous Poutine. On en garde un cri de rage d’une génération qui n’a plus rien à perdre.