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Chronique d’Urnes – L’âge du capitaine et la Sixième République

Chronique d’Urnes – L’âge du capitaine et la Sixième République

Bien que la principale promesse de la France Insoumise soit l’avènement d’une Sixième République, elle n’offre guère de garantie à sa réalisation sauf… l’âge de son capitaine.

« Mélenchon réinvente le meeting » (Le Monde), « un meeting hors-norme » (France-Info), « show cosmique » (L’Obs), « immersif et olfactif »…

Après l’hologramme de Mélenchon de 2017, ce week-end le chef du Parti de Gauche en a mis plein les yeux aux spectateurs. Le graaand homme a pu se présenter au centre d’écrans à 360° figurant la mer et l’espace, les seules étendues à la mesure de son programme. Autrement dit, là où leurs adversaires sont empêtrés dans l’archaïsme, la France Insoumise est tournée vers un avenir flamboyant. (Il faut dire, « arrêter les Arabes à Poitier » pouvait être un projet politique d’une certaine modernité en 732 ; 1300 ans plus tard, Darmanin, Zemmour et Cie apparaissent un chouïa passéistes).

À mesure que les campagnes des candidats de gauche calent l’une à après l’autre (à part, peut-être, l’agitation enviable et salutaire d’Anasse Kazib), s’impose la machine électorale de FI. Programme solide et maîtrise de l’outil médiatique font de FI l’option électorale la plus crédible à gauche (avec Jadot pour des raisons très différentes).

La France Insoumise, entre promesse de VIème et fonctionnement de Vème

Pourtant le mouvement repose sur une promesse qui, elle, est très loin d’être crédible : une refonte constitutionnelle. Cette fameuse VIème République est une idée forte tant la Vème, cette monarchie républicaine, est devenue insupportable pour les peuples de gauche. Il est cependant paradoxal que cette idée soit portée par un parti dont le fonctionnement repose tout entier sur un seul homme.

On ne peut guère imaginer plus “Vème”que Mélenchon. Il s’est imposé comme “candidat naturel” de FI, c’est-à-dire sans le moindre commencement de débat. Les candidatures de François Ruffin ou Clémentine Autain étaient pourtant parfaitement envisageables. D’ailleurs, d’un strict point de vue électoral, il est probable que Ruffin eut été bien plus rassembleur que le patriarche. En outre, Mélenchon n’a jamais véritablement remis en cause Mitterrand, monarque s’il en est de la Vème.

Contre la finance, l’atout de la concentration des pouvoirs

Il est donc très peu crédible quand il annonce ce changement de constitution. D’autant que Mélenchon à l’Élysée signifierait immédiatement une bataille avec des forces gigantesques : celles du marché. Il n’est que regarder l’effondrement de la Bourse chilienne avec l’arrivé d’un président de gauche très modéré (ou inversement, la fête à Wall Street avec celle de Trump) pour situer l’opinion politique de la finance.

L’argent préfère le fascisme

Dans ces conditions, il est tout à fait inconcevable que la FI renonce aux pouvoirs que lui confère la Vème pour mener ce bras de fer titanesque si elle veut appliquer ne serait-ce que 10% de son programme.

C’est bien la concentration des pouvoirs dans les mains de la seule présidence qui rend à peu près concevable une bataille avec le monde de l’argent. Dans un système parlementaire (c’est-à-dire démocratique, selon les critères de la plupart des autres pays), un tel combat serait pratiquement perdu d’avance. À titre d’exemple, aux États-Unis, le sénateur démocrate Joe Manchin est parvenu, à lui seul, à bloquer un immense plan d’investissement social de près de 2000 milliards de dollars du président Biden. La déconcentration des pouvoirs que porte FI buterait presque inévitablement avec ses ambitions d’appliquer un programme de gauche.

L’âge de De Gaulle comme seule garantie

La VIème République est donc à la fois la principale promesse et la plus chimérique. Dans le fond, la seule garantie qu’offre FI d’un tel changement est l’âge de son capitaine. Alors que la tendance est à un rajeunissement du personnel politique, Mélenchon brandit ses 70 ans comme preuve de son désintéressement. « Pourquoi voulez-vous qu’à 67 ans je commence une carrière de dictateur » disait De Gaulle, enterrant en une boutade tout débat sur le caractère démocratique de la constitution qu’il imposait en 1958.

L’âge du capitaine en garantie contre la tyrannie

Mélenchon ne dit pas autre chose. Il faut tout de même se rappeler que si De Gaulle n’est effectivement jamais devenu un « dictateur », il n’en a pas moins imposé un régime dans lequel l’exécutif concentre tous les pouvoirs. Or, une telle concentration est, tout simplement, non démocratique, selon l’acception habituelle qui prévaut dans les autres pays. Mais, il est vrai, ceux-ci s’inspirent d’un certain Montesquieu, dont la pensée doit probablement être considérée comme un « virus » par nos dirigeants dont les Lumières s’arrêtent là où commencent l’œuvre de Charles Martel (« arrêter les Arabes à Poitiers »). Fort heureusement, la France a trouvé un remède à ce penseur viral : une monarchie républicaine qui hait, par dessus tout, les contre-pouvoirs.

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