Surproductif et résolument « à part » depuis son origine en 1998, le TWE a traversé la scène du graffiti français comme une comète dont la trajectoire ne cesse de laisser derrière elle un sillon de lumière. 20 ans de graffiti acharné et pourtant TWE ne semble pas avoir déposé les armes.
Un crew qui graff depuis plus de 20 ans et qui est toujours actif c’est plutôt peu commun. Dans l’interview pour Graff Bombz en 2013 on vous qualifiait « d’OVNI » dans la scène du graffiti français, est-ce une attitude que vous cultivez ?
C’est vrai qu’on nous a souvent dit qu’on était un ovni dans le graffiti français.
D’abord parce que tous les membres du noyau dure n’ont qu’un seul crew. C’était la règle première. Nous sommes les seuls à avoir fonctionné comme ça. Peut-être parce qu’on s’est plus inspiré de la culture de bande que de celle du graffiti. Notre crew est aussi un ovni parce qu’on se pose souvent à la croisée des chemins : nous sommes vandales, terrain, dame, underground, old school, new school, ego trip, engagement politique, expo, sport et tatouage. On aime le plaisir et voyager. On aime aussi les terrains vagues. Nous venons de Paris, de banlieue et du sud Est et Ouest.

Quel est votre définition du graffiti made in TWE ?
On peut essayer de donner notre vision du graffiti mais on n’essaiera pas d’en faire une définition précise parce qu’on évolue au fur et à mesure qu’on avance. Et puis les définitions ça paralyse ! En peignant à l’étranger on se rend compte que les notions que l’on avait sont dépassées. On aborde le graffiti comme un sport, avec des catégories et des règles. Et on passe des ceintures comme dans les arts martiaux. Une fois qu’on arrive à maîtriser un peu une catégorie, on commence à en bouger les règles, à les briser et peut-être à faire évoluer cette catégorie. Dans notre mode de vie et dans notre conception du crew, on a tout de suite établi nos propres règles, mais, dans l’esthétique, on avance sportivement. Une fois qu’on maîtrise un enchaînement, on en essaye un autre plus complexe.
Une fois qu’on maîtrise des associations de couleurs, on essaye de les complexifier… La difficulté, c’est de ne pas se perdre dans notre démarche. Si on saute trop vite des étapes, on peut vite croire qu’on a atteint un bon niveau, mais ce sera plus difficile de faire évoluer notre style si les bases ne sont pas maîtrisées. D’ailleurs, souvent les lettrages simples sont les plus difficiles à réaliser.
Comme dans les arts martiaux, il y a des périodes où une école brille plus que les autres et où elle influence les autres jusqu’à ce qu’elle soit un jour détrônée.
Pendant longtemps il y a eu ce clivage entre la old school et la new school que vous aviez critiqué, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
Nous avons critiqué le conservatisme en général. Il y a des graffeurs très respectables dans la old school et des acteurs qui ont réellement fait avancer le mouvement. Ce que nous avons critiqué- et je crois que tu fais référence aux interviews pour Graff it et pour Paris Tonkar, ce sont ceux qui se revendiquent de la old school simplement parce qu’ils ont peint à une époque, alors qu’ils n’étaient que des satellites et que s’ils peignaient encore aujourd’hui, ils seraient toujours des satellites !

Nous préférons et respectons les meneurs et ceux qui prennent des risques, qu’ils appartiennent à la old school ou à la new school. Quand l’ancienneté seule devient un argument d’autorité, c’est sûrement qu’une époque est passé… Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que le graffiti « c’était mieux avant ».

Aujourd’hui le clivage serrait plutôt entre le graffiti et le Street art?
Dans TWE nous pratiquons le graffiti et non pas le street art. C’est à dire que notre démarche est très codifiée, presque martiale comme je le disais précédemment. Le but est de porter notre nom le plus loin possible. C’est en ce sens une discipline presque sportive puisque nous peinons pour être « number one ».
Nous essayons de créer des images qui renforcent l’Aura de notre nom par la puissance visuelle emmagasinée dans les lettres, par la forme du lettrage, par les personnages qui l’entoure ou par l’endroit où il est posé.
Une grande partie du graffiti marche dans les pas de l’esthétique guerrière. Celui des blasons militaires, celui des totems tribaux qui ont la volonté d’effrayer et de dissuader les ennemis de pénétrer les terres de la tribu, en l’occurrence d’être repassé. Celui des gargouilles placées en hauteur des églises pour terrifier les prêcheurs. Celui des Sphinx égyptiens qui dans leur imposante massivité gardaient l’entrée des lieux sacré. Il y a toujours eu dans l’histoire de l’art une esthétique de l’Aura. C’est dans cette lignée que nous nous situons.
Dans TWE nous avons tous œuvré pour renforcer celui de notre crew de façon à le porter vers un sentiment de puissance.
Comme un nom indestructible. Ce qui est ironique puisque le graffiti est par essence éphémère et voué à disparaître. Pourtant nos block letters sont souvent accompagnés de la punchline » TWE forever ».