Sélection naturelle, est le 2ème album studio de Kalash Crimi après La Fosse Aux Lions sorti en 2018. Pour ce 2ème opus le cagoulé le plus célèbre de France va plus loin que la sauvagerie qu’on lui connaît.
« J’suis producteur, éditeur mais aussi auteur », dès la première phrase de l’album Crimi clame son indépendance. Sans doute une manière de dire qu’il va rapper comme il veut et aborder les sujets qu’il veut.
Musicalement l’album commence par une prod à la couleur UK Drill faite par DB & 999biggie, prod qui va parfaitement à l’énergie de Kalash Criminel. Mais musicalement, Sélection Naturelle est loin de n’être que de la sauvagerie. Pour composer ces différentes ambiances musicales Crimi a fait appel à pas moins de 20 beatmakers. Cependant quelques beatmakers se font plus récurrents sur le projet, tels que Ray Da Prince, Yakes et Marcelino, qui sont parfois associés à d’autres producteurs ou en solo. Il y a aussi des apparitions spéciales comme celle de Medeline qui coproduit Dans la zone avec Traxx, ils ont réussi à créer une prod qui correspond au style de Jul (sans que l’empreinte de Jul soit trop marquée) avec une couleur afro-beat très bien dosée mais qui correspond aussi à la couleur Kalash Crimi. Draco Dans Ta Face (beatmaker qui travaille également avec Le Juiice) et Ray Da Prince sont à la source de la prod de Tarifs et son atmosphère si particulière qui sciée parfaitement à Crimi. Avec Death Note (titre qui fait référence au manga Death Note) un des morceaux qui sort du lot, Ray Da Prince et Dysto ont composé une prod aux couleurs Boom Bap aux couleurs actuelles. Pour prod du titre Turn Up Yakes, Marcelino et 999biggie livrent un no mélody des plus sombre qui fera turn up les foules de concerts ou de festivals, le pari est réussi pour ce morceau. Bien évidemment difficile de passer à côté de la prod de But en or, composée par Hypnotic Beats ( il explique dans La Prod de Mouv’ comment il a composé cette prod), prod qui donne plus que jamais encore plus de reliefs de profondeur aux propos de Kalash Criminel et Damso. Sur Sélection Naturelle, les prods sont aussi importantes que les propos, elles viennent vraiment soutenir le fond.
Sur cet album, Kalash Crimi essaye de sortir du schéma classique des feats du moment, c’est-à-dire pas de Leto, pas de SCH, pas de Ninho, pas de PLK, etc… Il a toutefois featé avec Niska qu’on retrouve souvent, les 2 rappeurs se rejoignent sur le morceau Tu Paniques, la « Evry-Sevran connexion » fonctionne, leur 2 univers respectifs cohabitent même si la prod rentre plus dans l’univers musical de Niska. Jul a aussi répondu présent sur Dans la zone, les 2 artistes avaient déjà collaboré 2 fois auparavant (sur Cagoulé et Je ne comprends pas) et contrairement aux collaborations précédentes l’empreinte de Jul se fait moins sentir sur couleur la prod. Une fois de plus il est indéniable que les feats entre ces 2 là marchent bien, ici le morceau est efficace et reste dans la tête. La combinaison Bigflo & Oli et Crimi sur Moments s’avère elle aussi très juste, les 3 rappeurs abordent un sujet universel tel que la mort sans forcément tomber dans des lieux communs, qui peuvent piéger quand un sujet aussi classique et commun est traité. Avec Turn Up, Crimi et Nekfeu sont en feu, Kalash Crimi met tout de suite l’auditeur/l’auditrice dans le bain avec ce refrain où il pousse littéralement sa voix avec la sauvagerie qu’on lui connaît, Nekfeu n’est pas en reste il n’est pas venu faire de la figuration et apporte aussi cette énergie qui lui est propre. Sans oublier la petite pic qu’il lâche « J’suis pas responsable du boloss qui m’écoute », voilà c’est dit ! Crimi permet aussi à ses auditrices/auditeurs de découvrir 26Keuss (signé sur le label de Kalash Criminel Sale sonorité) avec qui il collabore sur Droga, où sa prestation est correcte et parfaitement dans le thème du titre. But en or est peut-être le feat qui est le mieux incarné sur l’album, l’émotion du fait que Damso et Crimi s’engage sur un thème qui leur tient à cœur se fait sentir, au travers de leurs interprétations respectives mises en exergue par la prod Hypnotic Beats.
« En France, j’suis le meilleur de tous les rappeurs hardcores », voilà qui est dit ! Kalash Criminel n’est peut être pas le seul rappeur a abordé des faits de société ou à avoir des phases « conscientes » (le gros mot est lâché), mais il a sa manière bien à lui de le faire sans justement en abusé. Tout au long de Sélection Naturelle, il dissémine tel un jeu de piste des phases sur les sujets qui lui tiennent à cœur tel que le sort de l’Afrique « En Afrique, on pense qu’à faire la guerre mais on a du mal à trouver à graille et d’l’eau potable » dit-il sur Sale Boulot ou encore « Le problème, c’est que l’Afrique appartient à tout le monde sauf aux Africains ». Il rentre encore plus dans ce sujet en parlant plus précisément du Congo son pays d’origine, « Les problèmes du Congo, c’est les Congolais.Tu rajoutes Bill Gates et Paul Kagame ». Sans jamais le nommer sur But en or (le mot Congo n’est pas prononcer sur le titre), Crimi et Damso dénonce la situation en RDC, « Bien sûr que j’suis pas content (ta-ta-ta), mon pays s’fait tuer à cause du coltan » ou « Douze millions de morts plus tard, on parle de dettes et de crédits ». Plus que jamais dans l’air du temps il questionne la liberté d’expression, qui pour lui comme pour beaucoup s’avère être à géométrie variable en France « Pourquoi on censure Dieudonné mais on laisse parler Eric Zemmour ? ». Il traite aussi du thème des violences policières, « Violences policières, faut vite relater » ou « J’vois que des policiers analphabètes suivre nos quotidiens à la lettre ». Sans oublier de traiter les problèmes auxquels doivent faire face les albinos « Certains blancs n’aiment pas les noirs, certains noirs n’aiment pas les albinos ». Néanmoins même si Crimi aborde des sujets d’actualité et sociétaux, il ne délaisse pas le registre de la sauvagerie et de la violence qui l’a fait connaître, « La violence est physique (fort), la violence est verbale (sauvage), la violence est sonore », un titre comme Shooter illustre parfaitement ce côté sombre du rappeur. Le registre de la mort est présent hors d’un morceau comme Moments où c’est le thème, la faucheuse plane ici. Cependant Crimi sait aussi se monter romantique du moins à sa façon sur Elle est gang où il est prêt à aller jusqu’au bout pour cette fille « Pour toi, j’suis prêt à faire la guerre, et ça jusqu’à c’qu’on m’enterre ». Il se montre même un brin introspectif sur des titre comme Incompris ou J’oublie Pas. Il dévoile avec cet opus qu’il est capable de maîtriser plus d’un thème et surtout de pouvoir entrelacer ces derniers, il arrive parfaitement à jouer entre phases hardcores conscientes simples, directes et phases égo-trip sur un même morceau.
En terme de forme, on le sent en maîtrise totale de son style. Il se permet de rappoter/chantonner comme sur J’oublie Pas ce qui donne une dimension supplémentaire au titre. Il joue aussi avec les textures de flows ce qui dynamise le projet. Sur Doute il joue sur la texture de sa voix sur le 2ème couplet, il utilise une voix qu’on lui connaissait pas surprenante mais surtout bien maîtrisée. Il sait aussi faire montre d’une énergie qui lui est propre qu’il a su dompter au fur et à mesure des projets. Il gère ses adlibs comme sur Finish Him ou Shooter, il utilise comme jamais ses gimmicks tels que « bon courage », « gang », « waow » ou encore son légendaire « tatata ». Sur Turn Up c’est un Crimi au paroxysme de son énergie qu’on retrouve. Ici les progrès ont nettement perceptible, il paraît être à son aise.
Pour ce 2ème album studio Crimi démontre des qualités certaines et une gestion de son univers qu’il se permet même d’étoffer. De la cover aux morceaux le travail se fait sentir. Il arrive à équilibrer ce projet même si pour certain(e)s de ses auditrices/auditeurs, il manquera peut-être de sauvagerie. Mais Kalash Criminel a évolué et cet opus en est une des illustrations. Il fait preuve de cohérence et le projet est tenu par un fil conducteur. En 2020 qui est le plus hardcore !? C’est Crimi (waow) !