Quand deux passionnées de graff se rencontrent et parlent de leur art. Lady K que l’on ne présente plus et Dizy, une artiste indienne surdouée qui pratique un art traditionnel.
Lady K : Bonjour Dizy, tu as 26 ans, tu es indienne et tu vis entre Delhi et Berlin, comment vas-tu ?
Dizy : Bonjour Lady K, je vais bien, merci ! Merci pour ton interview
LK : Tu es freelance, as-tu fréquenté une école d’art ?
D : Non je n’ai jamais fréquenté aucune école d’art. j’ai étudié plusieurs matières différentes à l’université mais je n’ai jamais été vraiment intéressée. Ce qui me passionnait c’était les activités culturelles comme l’art et la danse.
LK : Qu’as-tu étudié exactement ?
D : J’ai fait une licence en sciences avec des matières qui couvrent différents domaines comme le développement humain, la gestion des ressources humaines, les sciences de la nutrition.
LK : Tu as commencé à peindre en Inde en 2011 alors que la scène indienne était très pauvre et les femmes n’y étaient pas présentes. Peux-tu nous parler de tes débuts, as-tu des anecdotes à nous raconter ?
D : C’était le début en Inde de la scène graffiti mais il n’y avait pas vraiment de femmes qui graffaient. J’ai commencé à faire du breakdance avec mon ami à l’école puis nous avons découvert des graffitis dans les rues de Delhi réalisés par des artistes internationaux et aussi sur les vidéos de musique Hip-Hop. C’est ainsi que j’ai commencé à être fascinée par le graffiti. C’est vraiment cool d’écrire son nom sur les murs et l’utilisation des peintures aérosol était totalement nouvelle et très intéressante pour moi.
LK : As-tu dessiné avant de peindre des lettres ?
D : Oui, parce que ma mère est très créative et que c’est grâce à elle que je m’intéresse à l’art depuis l’enfance. J’ai appris à danser et à peindre lorsque j’étais encore une enfant. Je n’ai pas eu de professeur d’art, juste mon expression personnelle.

LK : Pour choisir une activité dominée par les hommes, étais-tu un garçon manqué ou pensais-tu simplement qu’il ne doit pas y avoir d’activités genrées (stéréotypes masculins ou féminins) ?
D : Non, je n’étais pas un garçon manqué, j’ai toujours été une fille très forte et courageuse. Je n’avais pas peur de quoi que ce soit. J’aime briser les stéréotypes et faire mon propre chemin. Ne pas suivre les autres. Et je me suis dit que ce serait cool d’être la seule fille indienne à écrire des graffitis classiques.
LK : Pourquoi choisir de peindre des lettres ?
D : J’étais immergée dans la culture Hip-Hop et le break dancing. Donc, quand j’ai découvert que le graffiti faisait partie de cette culture, ce fut le coup de foudre. J’admirais les graffeurs new-yorkais, j’ai donc été influencé par le style d’écriture de la vieille école et c’est la raison pour laquelle je pense que le graffiti est une affaire de lettres. Une écriture avec du style !
LK : Penses-tu que peindre des lettres dans un pays où les femmes peuvent être tuées à la naissance, puisse contribuer à s’émanciper de la domination masculine ou à la recherche du respect en tant qu’être humain non sexué ?
D : J’ai des parents aimants qui m’ont toujours traitée sur un pied d’égalité avec mon frère. Ils ont toujours été très favorables à ma passion pour le graffiti. Ils sont fiers de moi. Idem pour les gens qui m’entourent. Parce qu’ils m’admirent. Mais je ne suis pas non plus aussi libre qu’ici, en Allemagne. Il y a encore des gens en Inde qui ne te respectent pas assez ou qui te harcèlent. Parce qu’ils te pensent plus vulnérables qu’eux.
LK : Les garçons de ta ville ne t’ont pas prise au sérieux. Peux-tu nous dire comment ça s’est traduit dans les faits ? Et maintenant, ont-ils changé d’avis ?
D : Oui, parce qu’ils pensaient peut-être que je n’étais pas sérieuse, juste cool ou jalouse quelque qu’en soient les raisons. Mais bien sûr, maintenant, les choses ont changé. Je ne m’arrête jamais et je travaille beaucoup par rapport à ces gars.
LK : Dans un pays avec une forte tradition d’art mural, peux-tu nous dire comment les Indiens et les autorités voient le graffiti ?
D : Hmmm… pour eux, c’est une nouvelle forme d’art intéressante. Ils sont Principalement curieux de comprendre ce que j’écris. Mais oui, la plupart du temps, ils apprécient et s’intéressent à mon travail.

LK : Penses-tu que l’opinion des gens change en fonction de ce que les autorités leur disent de penser ?
D : Je pense que oui, mais on peut aussi leur faire prendre conscience en les sensibilisant. Parfois les gens restent enfermés dans leur petite coquille ou ne sont pas informés correctement. On peut leur faire changer de point de vue si on les informe correctement. Alors on en tire des bénéfices.
LK : Penses-tu que le graff est une sorte de soft power américain
D : Je ne sais pas quoi dire sur le soft power américain du graff. « Je le vois, je l’aime, je le ressens, alors je le fais »
LK : Comment expliquer ce que tu ressens à l’intérieur ?
D : Les graffitis ont toujours été très fascinants pour moi. J’ai toujours été une enfant curieuse qui essayait de faire les choses différemment et qui refusait de s’identifier aux autres. Alors quand j’ai découvert les graffitis, c’était pour moi, oui !!! C’est dans ma personnalité, je suis une fille courageuse, audacieuse et je n’ai pas peur.

LK : Que penses-tu que le graff apporte au monde ?
D : Quelque chose de vivant et d’artistique dans le monde numérique d’aujourd’hui.
LK : Penses-tu que le graff peut aider à changer le monde ?
D : Oui, bien sûr, il a fort impact sur la majorité des gens.
LK : Quel serait le monde parfait pour toi ?
D : Vivre en équilibre avec l’environnement. Revenir en arrière, à l’essence même des choses
LK : Pense-tu que le graff puisse contribuer à la construction d’un monde parfait et si oui, comment ?
D : L’art peut changer le regard d’une personne et la façon dont elle voit le monde.
LK : À quoi rêves-tu quand tu as le temps ?
D : Je rêve de robes et de graffitis, Zitat de Lady K (ahaha… 😉 mais surtout je rêve à de nouveaux graffitis.
LK : Quels sont tes projets ?
D : Actuellement et jusqu’à fin février 2021, je suis juge dans la catégorie graffiti de la plus grande ligue de Hip-Hop en Inde.
LK : Merci Dizy pour cette interview, à bientôt.