pixel
Now Reading
« L’ensauvagement » des échanges politiques et médiatiques

« L’ensauvagement » des échanges politiques et médiatiques

A défaut de penser la politique, apporter des idées, des solutions pour un monde en détresse, c’est à une véritable guerre des tranchées que se livrent les politiques et les journalistes autours de concepts qui ne sont que des slogans politiques sans aucune réalité scientifique.

Quel joyeux bordel !

Chacun tente désespérément de garder la tête hors de l’eau dans un océan de confusion et d’insignifiance. Pour certains d’entre nous, les plus ambitieux, c’est la peur de tomber dans l’oubli, de disparaître des radars. Tous les coups sont permis. A défaut d’apaiser les débats et de proposer des idées pour faire émerger une nouvelle pensée politique, économique ou social pour acquérir une légitimité, ils se débattent avec pour seul objectif de tétaniser leurs adversaires. On se déchire sur des évènements sans importance. On invente des mots, des idées, des concepts qui tournent en boucle dans les médias sans que personne ne soit vraiment capable de leur donner un sens. Une sorte « d’ensauvagement » des échanges vidés de toute forme de substance.

600 noms de chercheurs sont jetés en pâture sur internet sous prétexte qu’ils défendent un concept dont il reste à identifier le sens ; « l’Islam radical » alors qu’ils ne font que dévoiler une réalité et comprendre ce que les responsables politiques refusent de voir ; comment se structurent les inégalités. Un mouvement étudiant en perte de repères accusé par le gouvernement, le Parti socialiste (PS) et SOS Racisme, d’avoir troqué la lutte des classes contre « la lutte des races ». Ils évoquent des réunions « racisées » à propos de citoyens qui souhaitent parler dans l’intimité de leurs traumatismes ou de questions personnelles comme le font les alcooliques anonymes, les weight watchers, en passant par les réunions de famille ou les conseils d’administration. Une forme de séparatisme dit-on, les prémices d’une ségrégation raciale qui ne dit pas son nom. Heureusement que le ridicule ne tue pas…Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education, va encore plus loin en pointant une dérive pouvant conduire au « fascisme ». La bêtise et la mauvaise foi atteignent ici leur comble.

Quand a vu sur LCI Apolline de Malherbe pousser dans ses retranchements Audray Pulvar non pas pour enrichir le débat mais pour la pousser à la faute, qu’elle lâche le mot fatal qui va la jeter à la vindicte populaire, créer la polémique et enrichir quelques actionnaires « derrière le décor », on s’arrache les cheveux. Quand on a vu Frédérique Vidal, ministre des universités et de la recherche censée défendre le meilleur de la France,  demander, lors d’une allocution, une étude sur « l’islamo-gauchisme » dans les universités. Un terme qui n’est rien d’autre qu’un slogan politique utilisé dans le débat public et qui ne correspond à aucune réalité scientifique. On balance entre la colère et le ricanement. Tout cela est pathétique et occupe le temps de cerveau disponible de la majorité de nos politiques et de nos journalistes alors que nous avons tant d’autres sujets importants à débattre, les écarts de richesse, la redistribution, la montée des extrêmes, la perte du pouvoir politique, le racisme, la pauvreté, alors que tout est à réinventer. Tout cela est tout à la fois naïf, digne d’une cour de récréation, et maléfique car les dégâts sont considérables en poussant la société française au pessimisme, au nihilisme, à la violence.

Ce cynisme ambiant n’est pas la meilleure des boussoles et il est légitime d’essayer de comprendre comment on a pu arriver à de telles dérives. Tous ces habitués des plateaux de CNews ne font-ils que suivre à la lettre les instructions d’agressivité, sinon de brutalité de langage, données par leurs dirigeants pour doper les audiences ? En partie oui. Mais le plus préoccupant est le désert des idées, de la pensée dont nous sommes tous responsables. Trop occupés que nous sommes à tenter d’exister en divisant, contestant, cassant ce qui nous échappe, nous sommes dans l’incapacité de prendre du recul, de la hauteur pour créer ces ponts, ces liens, ces nouveaux langages, ces nouvelles raisons d’être qui vont créer de la richesse. Il est temps de rompre ce cycle, de se « réconcilier » comme le dit Abd Al Malik dans son dernier livre « Réconciliation », ne plus se satisfaire de futiles abus de langage pour s’entredéchirer mais donner de l’espace aux Intellectuels, chercheurs, universitaires, artistes, citoyens, pour remettre nos pensées et nos actes à leur juste dimension.

Scroll To Top