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La terre, nouvel eldorado des milliardaires

La terre, nouvel eldorado des milliardaires

Ils ont les moyens de le faire, et ils le font. Ils achètent de la terre. Bill Gates, Xavier Niel, Jeff Bezos, John Malone, Ted Turner. Le raisonnement est enfantin : ce qui devient rare devient cher

La réduction des terres destinées à la production alimentaire en raison des sols dégradés, de l’urbanisation, de la production de bioénergie, etc, ne cesse d’augmenter alors que le prix des denrées alimentaires a doublé entre 2002 et 2018. L’expansion des villes chinoises s’épend chaque année sur des millions d’hectares de terres arables. Les milliardaires s’organisent pour répondre à cette question qu’ils voient comme une promesse de dollars : « Comment nourrir dix milliards d’individus en 2050 avec des ressources limitées ? » Bill Gates, avec 100 000 hectares, devient le plus gros propriétaire de terres agricoles des Etats-Unis, une surface presque aussi grande que celle du territoire de Hong Kong. Que les Gafam comme Google s’en mêlent n’a rien d’un hasard, l’agritech promet monts et merveilles pour produire plus de nourriture dans les cinquante prochaines années qu’au cours des 10 000 années précédentes. Bourré d’intelligence artificielle, de données météo et géologiques, un robot-fermier fera des miracles.

Cette nouvelle appétence pour l’agriculture n’a rien de philanthropique ni de bucolique. Les tycoons de la nouvelle ère savent que leurs monopoles sur les datas seront remis en cause à plus ou moins longue échéance, et les dangers de voir leurs empires morcelés au nom de la libre concurrence sont réels. Les gouvernements sont dorénavant contraints d’agir pour répondre aux préoccupations de leurs citoyens. L’offensive est déjà lancée en Europe et plus récemment aux Etats-Unis. Après avoir disposé gratuitement et pendant près de cinquante ans de toutes nos données pour construire leurs empires, ils vont devoir changer de secteur d’activité pour conserver leur emprise.

Cette régulation initiée par les Etats prendra suffisamment de temps pour que les 1 % qui possèdent plus de la moitié de la richesse mondiale  puissent acquérir 30 % des terres cultivables mondiales pour exercer leur monopole cette fois-ci sur la nourriture. Celui qui possède la terre et les technologies pour l’exploiter contrôle la distribution et le prix de la nourriture. Après le contenu de notre cerveau, c’est à celui de notre assiette que les milliardaires s’attaquent.

D’où cette offensive en catimini sur les terres qui tourne comme une horloge, mis à part que les aiguilles tournent à l’envers. Un retour au Moyen Age lorsque la noblesse et le clergé possédaient toutes les terres qui risque de coûter cher, plus cher que le monopole exercé sur les données. Au pire on peut vivre en étant surveillé, on ne peut pas vivre sans manger.

« On vous laisse cinquante ans d’avance, les gars ! », leur soufflent les élus de nos nations ; assez de temps pour ramasser l’oseille et préparer le prochain « casse ». Après la terre, je penche pour l’espace et ses ressources… C’est loin, cinquante ans… Nous avons encore du temps avant que les électeurs ne touchent du doigt les disfonctionnements, avant que ces derniers ne deviennent comme le numérique aujourd’hui, palpables, concrets.

On connait bien cet attentisme, cette volonté de ne pas trop s’en mêler, de ne pas faire le job pour lequel on a été désigné au suffrage universel. Il y a cet éternel recommencement qui pèse sur nos épaules, toujours le même scénario, le laisser faire, l’absence de décision. Cependant, entre la vague écrasante du numérique et celle naissante de la terre, il y a une différence… de génie ! Les Google, Apple ont été créés par des « ovnis » dans des territoires entièrement vierges. Rien à voir avec le monopole de la terre dont l’argent est la seule condition pour réussir. Hériter. Acheter. Pas nécessaire de passer des nuits blanches dans des garages ou de se mettre un LSD sous la langue. Même Xavier Niel a investi cette reconversion sous la pression d’une ancienne conseillère de M. Macron. Pas besoin de s’appeler Steve Jobs ni Elon Musk. Les exigences sont largement à la baisse pour accéder au Graal. Une facilité encore plus inquiétante pour l’avenir de nos enfants, n’est-ce-pas ?

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