Pseudo de Jérémy Rubenstein, historien, chroniqueur et écrivain (pas forcément…
Jeudi 28 octobre, une équipe du GIGN a interpellé au petit matin plusieurs artistes présumés qui auraient eu le tort d’avoir commis une œuvre collective. Celle-ci a été réalisé en avril dernier dans un garage de la Préfecture de police situé à Rungis. Ou comment la justice criminalise des œuvres et place des artistes en prison.
Notre police est détestée par la justice, un procureur en a apporté une nouvelle preuve en interpellant jeudi dernier des artistes qui avaient œuvré à redorer l’image -si dégradée- de l’institution policière. L’œuvre remonte à avril dernier, à l’initiative d’un brillant collectif d’artistes, décidé à exprimer tout le respect que lui inspire la Police. Dans la droite ligne du ministre Darmanin, qui a bien compris qu’il n’y a pas « d’amour sans preuves d’amour », le collectif a prouvé son amour forcené de la police, passant outre toutes les fastidieuses autorisations pour offrir –bénévolement- leur œuvre.
En effet, afin d’éviter la bureaucratie qui gangrène l’institution policière, problème sans cesse dénoncé et jamais résolu, les artistes se sont directement rendus sur leur lieu d’intervention artistique : au parc automobile de Rungis où sont entreposés les véhicules policiers destinés à la casse. Le collectif a entrepris de recycler ce matériel perdu dans une œuvre en honneur de la police. Joyeuse et colorée, la création parvient à la fois à rendre sympathique les policiers auprès de la population, dans « un contexte de haine anti-flic qui se banalise » comme le constate le syndicat Alliance, et de redonner le sourire aux agents dans leurs outils de travail.
L’œuvre a été très appréciée, si bien que de nombreux journaux s’en sont fait échos quoique, curieusement, moins dans leurs pages culturelles que dans la rubrique des faits-divers. Probablement un peu intimidés par le monde de l’art qui est venu les toucher de sa grâce, les agents se sont peu exprimés sur la qualité de l’œuvre. Mais ils ont abondamment commenté l’initiative artistique sur les réseaux sociaux, preuve de leur enthousiasme.
INFO @BFMParis : plusieurs véhicules de police dégradés et aspergés de peinture. Les faits se sont déroulés au garage sud de la PP à #Rungis (94). Le mot « cochon » a été tagué, une tête de porc sur un manche à balai a été découverte.
— Raphaël MAILLOCHON (@Raph_journalist) April 26, 2021
Enquête confiée à la Sûreté territoriale. pic.twitter.com/y3eXcLXAM3
Afin de poursuivre cette belle collaboration avec la police, le collectif d’artiste travaillait à de possibles produits de merchandising qui mettent à l’honneur les policiers. En particulier, plusieurs projets étaient en cour d’élaboration avec l’effigie de la mascotte trouvée pour l’institution. Celle-ci s’inspirait de la tête de cochon que les artistes ont dessiné sur l’une des voitures intervenues. L’attendrissante mascotte a marqué les esprits, si bien que l’effigie porcine est restée associée à leurs agents.

En outre, dans le milieu des galeries, on s’agite pour obtenir les œuvres originales. Il n’est pas impossible que des enchères soient organisé pour vendre ces pièces, dont une partie du bénéfice irait aux œuvres caritatives de la police.
Malheureusement, l’idylle entre policiers et artistes a été brusquement interrompue du fait de l’intervention de la justice. Un procureur, n’appréciant visiblement que très peu l’art, s’est mis en tête de criminaliser l’œuvre collective. En avril, au lieu de laisser le commissariat local de Rungis le soin de féliciter les artistes pour leur initiative, le procureur a confié une enquête à la Sûreté Nationale pour retrouver les auteurs de l’œuvre. Ceux-ci souhaitaient rester anonymes afin qu’il ne subsiste aucun doute quant au caractère tout à fait bénévole des preuves d’amour qu’ils ont donné à la police. Le collectif a ainsi renoncé aux bénéfices symboliques qu’une telle démonstration leur eut valu.
Non content de confier l’enquête à une équipe d’enquêteurs de niveau national, le procureur a encore fait intervenir le GIGN pour interpeler les présumés auteurs de l’œuvre collective. Il a ainsi mobilisé les ressources de six mois d’enquête de la Sûreté Nationale et une brigade spécialisée dans les interventions à risque afin d’interpeller cinq artistes. Ceux-ci doivent passer devant un juge ce mardi 2 novembre en comparution immédiate après une garde-à-vue prolongée.
Espérons que la farce ne se convertisse pas en tragédie avec une condamnation qui serait incompréhensible. En attendant, il est certain que les initiatives en vue d’améliorer l’image de la police sont criminalisées par la justice. Car, comme le dit si bien le syndicat Alliance, « le problème de la police, c’est la justice ».