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Quand des policiers et des militaires préparent l’élection de Marine Le Pen

Quand des policiers et des militaires préparent l’élection de Marine Le Pen

Tribunes des militaires. Manifestation des policiers. Lorsque l’on s’accorde du recul pour regarder ce champ de ruines qu’est devenu le politique, on hésite entre la bouffonnerie et le drame.

Le point d’orgue de cette mascarade aura été cette journée surréaliste où la police a manifesté devant l’Assemblée nationale en violentant ce qui nous tient ensemble : la Constitution. Une démonstration de force qui remet en cause de l’Etat de droit. Etait-il notre journée du « Capitole » transposée dans le contexte hexagonal ? Pas de treillis,  ni de fusil automatique, mais le message n’était-il pas similaire ? La nation est en danger et l’on s’autorise à piétiner les lois au nom d’une urgence sécuritaire déployée par les extrémistes eux-mêmes.

Nous ne rentrerons pas dans la guerre des chiffres sur la délinquance, la criminalité, les décès de policiers, ou chaque parti sortira les siens jusqu’à l’absurde. Ce qui est indéniable c’est la peur qui a saisi l’ensemble de la société. L’insécurité n’en serait pas tant la cause comme on veut nous en persuader, que l’absence de réponses politiques aux questions que nous nous posons. Un vide politique qui engendre inquiétudes, amalgames, replis, rejets, autodéfense, insécurité. Chacun se convainc de la dangerosité de l’autre et de la nécessité de le brutaliser pour éliminer les risques qu’il représente. Les politiques s’engouffrent dans cette stratégie de « lâche » pour satisfaire leurs électorats, entraînant une montée des extrêmismes qui se normalise, racisme, violences policières, répression, volonté de remettre en cause la séparation des pouvoirs pour satisfaire sa soif de vengeance.

Si le politique a déjà cédé à cette spirale depuis de nombreuses années, l’institution judiciaire se pose encore en rempart face à cette forme de gouvernement nommée dictature. Raison pour laquelle elle a fait l’objet de critiques outrancières lors de cette journée du 19 mai comme ce slogan d’une rare violence : « Le problème de la police, c’est la justice », accompagné une vague d’accusations sans précédent contre les quelque 8 500 magistrats de France. S’ensuivait une suite de propositions qui toutes nécessiteraient pour être validées une révision de la Constitution, telle celle « d’imposer des peines minimales et incompressibles aux agresseurs de policiers », ou de remettre en cause l’un des fondements de la république ; le « droit de regard » de la police sur la justice tel que le premier secrétaire du PS Olivier Faure l’a suggéré : la police aurait donc un droit de regard sur le suivi des peines judiciaires ! Pire, cette manifestation se déroulait en présence de toutes les forces politiques qui assistaient à la mise à mort de nos institutions sans broncher. La droite bien sûr, mais la gauche qui se trouvait au quasi-complet. On prend peur !

Les débats sur l’identité nationale en 2009 par Nicolas Sarkozy ont été l’un des moments fondateurs de cette parodie, une tactique électorale qui consiste à désigner un ennemi commun – en l’occurrence le musulman aujourd’hui, source de tous nos fantasmes –, et le mettre au banc des accusés pour masquer l’absence de propositions politiques pour bâtir un « vivre ensemble ». Une instrumentalisation de l’étranger qui pousse à la haine, au plus grand bénéfice des extrêmismes. Ce pourrait être, selon les époques ou les circonstances, le juif, à une échelle plus modeste le plombier polonais. Le phénomène a été éprouvé maintes fois dans l’histoire et parfois jusqu’au pire.

Cette journée du 19 mai fait écho aux deux tribunes de militaires dont nous avons déjà parlé dans ces colonnes. Le fantasme de l’ordre qui appelle d’urgence les militaires à une guerre insurrectionnelle rejoint le fantasme des policiers qui réclament les pleins pouvoirs pour réprimer un ennemi qu’eux-mêmes contribuent à construire. On connaît bien tous ces phénomènes qui font le lit des dictatures. L’histoire est ancienne et semble se répéter entre nos murs avec pour point de mire une élection qui semble presque acquise, celle de Marine Le Pen. A mesure que s’approche cette échéance on est troublé par l’idée de préméditation au sein d’une fraction de la police et  de l’armée…

N’est-ce pas le chant du cygne de cette période de jouissance que fut le néolibéralisme, sa fin pathétique dans une explosion d’indécence et de non-sens qui ouvre naturellement la porte à l’extrême-droite, les chantres de l’exclusion et de la violence ? La fin du néolibéralisme a-t-elle besoin d’un purgatoire ? Celui que nous allons bientôt connaître ? L’horizon n’est-il pas désormais 2027 avec le sourire aux lèvres et les dents plus blanches ?  

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