Pseudo de Jérémy Rubenstein, historien, chroniqueur et écrivain (pas forcément…
Le mercredi 19 mai 2021 restera probablement comme une date-clef, l’un de ces moments où chacun se trouve d’un côté ou de l’autre de la barrière. Soutenant ou non l’appel des syndicats de police. Et les suites de cette journée ont été claires sur ce partage des eaux : le seul fait de critiquer la forme de cette mobilisation policière devant le Parlement vaut le dépôt d’une plainte pénale par le ministère de l’Intérieur.
Vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous, dit la Police.
Mais qu’entend la Police par être avec elle ? Au fond, quel était l’ordre du jour de ce 19 mai ? Un hommage à des policiers morts ? Non, il n’était nullement question de recueillement, et cela était évident dès avant la mobilisation. Une attaque en règle contre l’institution judiciaire ? En partie, oui, c’était en tout cas l’un des slogans : la Police ne supporte plus sa subordination à la Justice, criait-elle.
Peut-on croire qu’elle souhaite plus de droits et de passe-droits quand elle est déjà surchargée des uns et des autres ? De ce côté, elle a déjà ce qu’elle veut et n’a pas à s’inquiéter : les autorités politiques, qui ont prouvé qu’elles ne se maintiennent que grâce à la capacité de répression des forces de l’ordre ne vont pas scier cette branche sur laquelle elles reposent. Des privilèges, la police en a et en aura plus encore, et ce tant que la République dépendra tout entière de sa préfecture de police.
Non, la Police est venue chercher autre chose devant l’Assemblée nationale. De l’amour. Pas seulement des “preuves d’amour” comme appelle Alice Thourot, député LREM rapporteuse de la loi dite “Sécurité Globale”, chaque nouveau grossissement du budget policier, mais de l’amour. La Police veut qu’on l’aime. Elle le dit, elle le crie. Chaque tract, chaque intervention médiatique est l’occasion pour ses agents de s’insurger contre le “police-bashing” et d’appeler la “population à les soutenir”, toute sa communication est centrée sur un lien charnel qui l’unirait avec la population.
Cet effort de communication est à la mesure de la détestation qu’elle suscite. Il n’est plus un reportage sur la police, où l’on n’entend pas un de ses agents se lamenter “à l’école, mon fils ne dit pas que je suis de la police, on doit se cacher”, comme s’il s’agissait d’une nouveauté. Alors que le mépris pour la police est probablement l’une des rares constances populaires en France, l’une de ces fameuses “valeurs françaises” dont on nous rabâche tant les oreilles ces derniers temps.
À la rigueur la nouveauté provient plutôt du soutien affiché qu’elle est parvenue à obtenir de nombreux secteurs. Par exemple, que des militaires (voir leurs différentes tribunes) se montrent si solidaires avec les policiers est plutôt incongru dans l’histoire de France (et peut-être ne s’agit-il que d’un affichage qui ne change rien au mépris traditionnel dans lequel ils tiennent cette profession). Habituellement, ils ont une si piètre opinion pour ce métier que dès qu’ils se mettent à torturer, ils appellent cela “un travail policier” (quand le général Massu est nommé, avec les pleins pouvoirs, dans le secteur d’Alger en 1957, il émet une directive qui enjoint à “l’accentuation de l’effort policier” : l’armée doit passer à une échelle industrielle de la torture).
Plus bizarre encore, et cela a été largement remarqué et commenté, c’est le soutien de la presque totalité du spectre politique parlementaire. Ici, il va nous falloir entrer dans le dur de l’amour, décrire une scène hot, l’aspect charnel de la chose. D’ailleurs, il s’agira d’établir s’il s’agit bien d’amour ou de pornographie, ou si les deux sont confondus dans une même scène de liesse par policiers et politiciens. Car, entendons nous bien, il n’est pas ici question d’une douce étreinte entre deux amants ni même d’un polyamour un peu tapageur, mais bien d’une partouze.
Ça se lèche, ça s’encule, ça se tripote, se suce, se possède, culs par dessus têtes, menottes et matraques au programme ; journalistes des chaines onanistes en continue sont en cercle autours. Mais, pour s’y retrouver, voyons l’ordre de bataille, si je puis dire. Car, au départ, il ne s’agit rien d’autre que d’une scène maritale. La Police appelle, et le Front National (le couple est bien antérieur au changement de nom à l’état civil) vient remplir son devoir conjugal. Rien de bien surprenant, plutôt barbant même. Mais un amant jaloux intervient et, du haut de son ministère, s’octroie une place dans le lit conjugal. Et comme il aime aussi les bisbilles et les bisous-bisous avec le FN, le trio s’anime vite. À cela ne pouvait manquer les tontons satyres de la famille, Eric Zemmour a même revêtu son pardessus d’exhibitionniste des sorties d’école.
Dès lors, la fête s’annonçait chaude, et les invités-surprises ont rappliqué. Le PCF, lui aussi en mal d’amour, a ressorti sa panoplie de casseurs de gauchistes qu’il affectionnait au bon temps de ses 20%. Malheureusement, il ne lui a été octroyé qu’un rôle de petit toutou, pour lécher les doigts de pied des protagonistes. Il se console en se disant qu’il a tout de même offert son caractère zoophilique à la scène.
En revanche, le PS, en pleine forme en la personne de son Secrétaire générale, a sorti le grand jeu, très remarqué et très apprécié. Il faut dire que rien de tel qu’une langue experte pour animer ce genre de party. Et celle-ci est parvenue à égailler les glands, ouvrir les lèvres, aimanter les clitoris, s’introduire dans les anus, cajoler les boules. Souple et langoureuse, elle dit : “il ne faut pas que la police ait le sentiment d’être dépossédé des peines administrées aux prévenus”. Il faut donc que la police possède les prévenus, et encule la justice au passage.
Il faut remarquer qu’Olivier Faure a par la suite dit regretter ses propos. Il n’avale pas. Il s’agit d’une marque de professionnalisme, paraît-il. Quoiqu’il en soit, après une telle performance, les autres, le vieux LR et le jeune Vert, n’avaient guère que l’espace d’une petite passe en vitesse.
Suite à cette scène historique, nous savons que, pour la Police, amour et pornographie ne font qu’un. Reste à savoir si la population est aussi onaniste que veulent le croire les chaines d’info-en-continu ou si elle est prête à s’aimer différemment, très loin des menottes et des LBD. Autrement dit, en termes Griveaux, est-ce qu’elle se branle à la vue d’une telle débauche ou est-ce qu’elle s’en branle ? De la réponse à cette question dépend une bonne part de l’avenir de ce pays.