Pseudo de Jérémy Rubenstein, historien, chroniqueur et écrivain (pas forcément…

Ha oui… quand même ! On se frotte les yeux, et on voit la même chose : monsieur Montebourg a rejoint, en quelques phrases, l’extrême-droite. Un de plus. L’extrême-droite a cela de particulier qu’elle ne vise pas seulement des objectifs ignobles, elle préconise aussi des méthodes infâmes. S’attaquer aux personnes les plus précaires pour assécher une ressource de leurs familles pauvres, le tout pour faire pression sur leurs gouvernements… Pas de doute, c’est dégueulasse. Un grand bravo pour Montebourg, ce n’est pas donné à tout le monde de plonger ainsi dans l’immondice, sans masque ni bouée.
Au passage, les Français vivant à l’étranger pourraient s’inquiéter de voir leurs pays d’accueil prendre ce même type de mesure, genre leur interdire d’ouvrir un compte en banque jusqu’à ce que la France cesse de vendre des armes à tous les criminels de guerre du monde. En attendant, on remarquera la générosité de Le Pen et Zemmour qui, loin d’attaquer pour plagiat leur nouveau camarade, lui ont ouvert grand les bras. Ça se passe comme ça entre nationalistes racistes, solidaires à fond.
Ah oui, parce que ce n’est pas fini, en plus de ses mesures de crevure, Montebourg exprime un racisme avec un naturel bourgeois absolument exquis : « Charles Aznavour, Zinédine Zidane sont devenus des grands Français mais avant, ils ont été des immigrés ». Autrement dit, naître en France ne suffit pas, il faut du « sang français ». Ce n’est plus la Remontada mais la Reconquista menée par Isabelle la Catholique au XVème siècle, avec sa « limpieza de Sangre » (consistant à chercher parmi les ascendants d’un chrétien pour s’assurer qu’aucun ancêtre ne serait juif ou musulman).
Mais, au fait, comment se retrouve t-on avec des personnalités identifiées à la gauche qui peuvent professer de telles insanités d’extrême-droite ? Contrairement à se qu’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’une dérive mais d’une tendance inscrite dans l’histoire du Parti Socialiste, une histoire associée a un substantif : l’opportunisme. Et à un nom propre : François Mitterrand. Voyons donc le ventre de la bête.
Pour faire vite, Mitterrand était un étudiant inséré dans les milieux d’extrême-droite durant les années 1930, puis haut-fonctionnaire (à rang ministériel) sous Vichy. Résistant tardif, il parvient à devenir un personnage ambigu (de centre gauche) de la IVème République, plusieurs fois ministre. En tant que ministre de la Justice durant la guerre d’Algérie, il insista personnellement pour que la guillotine soit effective contre les militants indépendantistes. Voilà pour « l’homme de conviction » qui fit abolir la peine de mort en 1981. De plus, c’est sous sa présidence (1981-1995) que l’économie a été dérégulée et financiarisée à travers une série de lois « socialistes », autrement dit que le néolibéralisme s’est installé en France.
Ainsi, en suivant le parcours de l’homme de référence de la gauche française, on peut visiter à peu près toutes les familles politiques de… droite. Tour à tour, d’extrême-droite, colonialiste sanguinaire, puis néolibéral. Il n’est donc pas si surprenant que le PS soit l’incubateur de personnalités ultra-libérales (telle Dominique Strauss-Kahn), de droite centriste bon-bourgeois (François Hollande), de droite autoritaire classique (Ségolène Royal), d’extrême droite (Manuel Valls rejoint avec brio par monsieur Montebourg ou encore l’oublié Éric Besson, cadre du PS devenu ministre de la Race, pardon, de l’Identité Nationale de Sarkozy).
Tout ce beau monde peut dire tout et son contraire (il peut arriver que l’un d’eux, poussé par on ne sait quel démon gauchiste, parle de justice sociale) mais se rejoint sur un mot, et un seul, qui vaut programme et conviction : l’opportunisme. L’arrivisme a été la seule boussole de Mitterrand, et le seul héritage transmis à ses enfants et petits-enfants. Pour bien saisir, il faut rappeler que les générations qui occupent le devant de la scène ont commencé leurs carrières dans la Mitterrandie. Celle des Hollande et Royal qui ont opté pour le PS, le plus droit chemin vers le pouvoir à la sortie de l’ENA (promotion Voltaire de 1980) et celle des Montebourg-Valls-Etc., qui sont plutôt passés par l’UNEF, le syndicat étudiant qui fut l’autre porte d’entrée vers le haut du panier PS.
Le « ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde » est la phrase d’épilogue d’une pièce de Berthold Brecht, La résistible ascension d’Arturo Ui, drame écrit en 1941 qui se réfère en mode de farce à Hitler sous les traits d’un mafieux de Chicago. On pourra probablement considéré le ventre de Mitterrand comme un peu moins fétide que celui d’où surgit Arturo Ui, mais il faut bien voir que l’opportunisme est un puissant moteur à toutes les ignominies.
