pixel
Now Reading
Réalité vs Fiction : « A la vie » ou les invisibles de la maternité

Réalité vs Fiction : « A la vie » ou les invisibles de la maternité

Dans son film, Aude Pépin explore deux invisibles : la maternité, en dehors du bonheur en rose et bleu et le métier de sage-femme. Donner la vie retrouve toute sa noblesse à travers la figure de Chantal Birman, sage-femme libérale de 70 ans qui parcourt la Seine Saint-Denis. 

Chantal Birman est une sage-femme iconique et engagée. Mais gare à ceux qui voudraient l’applaudir. A ses yeux, “c’est le métier qui veut cette dévotion”. C’était aussi l’ambition de la journaliste Aude Pépin quand elle a réalisé le documentaire “À la vie”. Résultat : un documentaire de 80 minutes au plus près de la réalité de la maternité. Loin d’un esthétisme mielleux autour d’un prétendu métier de rêve, ni de fantasmes sur les délicieux moments de la jeune vie de mère. 

Sortir de la fiction : une nécessité

Au contraire, la réalisatrice, guidée par l’expérience de Chantal Birman, met un point d’honneur à ce que les réalités de la maternité soient enfin visibles. Tout y est : débats sur l’allaitement, dépression post-partum (première cause de mortalité chez la mère exeaquo avec les maladies cardiovasculaires), questions liées à l’avortement. Le film déconstruit l’image de l’instinct maternel et rappelle qu’on ne “naît pas mère, on le devient

Un point d’honneur aux réalités de la maternité

De Pantin à Bobigny, les visites à domicile s’enchaînent. La caméra s’intéresse à la force des mères. “ En tant que sage-femme, vous accompagnez la femme vers ce qu’elle n’aurait jamais imaginé réaliser : accoucher. Soudainement, elles vous disent : c’est avec toi que je suis née en tant que mère” témoigne Chantal. Fruit d’une collaboration, ce documentaire se veut rempart à l’invisibilisation du métier de sage-femme et des enjeux de la maternité. Métier ô combien essentiel (un accompagnement médical à la venue au monde) dans la fiction collective mais ô combien dévalorisé (1 800 euros brut par mois) dans la réalité car jamais montrée.

“La maternité est placée dans le domaine du sacré” 

Chantal Birman

La raison de cette invisibilité ? “La mère représente un espace sacré et tabou dans lequel personne n’entre. Derrière, il y a le tabou religieux, notamment la figure de la Vierge Marie, mère et seulement mère”. À une exception près : devant la justice, quand les mères sont mises en cause.

Convaincue que la sage-femme est le curseur de la situation des femmes dans la société, elle estime que devenir sage-femme, c’est nécessairement militer en tant que femme. De l’allaitement à l’avortement, elle réitère sa volonté : “que la femme gagne” et qu’elle « choisisse toujours la liberté”. 

Le pouvoir magique de la sage-femme

Il faut dire qu’elle a appris à lire dans le regard des femmes, à développer son intuition qu’elle décrit comme « le cœur du métier de sage-femme » : « cette mission détient une grande part artistique guidée par le pressentiment, la sensation, le mot juste ». Après des décennies de pratique, “vous sentez flotter des molécules qui vous indique qu’il y a quelque chose à creuser, même si la technique vous dit que tout va bien.

Maintenant à la retraite, Chantal Birman fait le tour de France des salles de cinéma qui projettent le film comme un appel à changer de regard sur une réalité invisible, à sortir de la fiction qui nous est faite sur la maternité. “Peut-être que la solution pour désinvisibiliser c’était ce film. Et que la culture est prophète, annonciatrice” conclut-t-elle. Mais le combat ne s’arrête pas là. Il faut réfléchir à nouveau sur la hiérarchie des maternités. “70 à 80% des mises au monde sont physiologiques et non pathologiques. Les sages-femmes et auxiliaires de puéricultures les réalisent, mais cela restent les médecins, formés la pathologie, qui dirigent les établissements.” Le médecin, c’est lorsqu’il y a une urgence, un tout autre rapport au temps que la sage-femme, qui accompagne le chemin vers la vie.

Ce chemin, le film le retrace pour nous. Dévoilant au grand public la nécessaire prise en compte du vécu, de la perception et du sensible que l’art, la culture et l’intuition font tenir ensemble sans les opposer. Illustration en musique par Ëlna.

Elna – 25.04.14 sorti en avril 2021 – Youtube
View Comments (0)

Leave a Reply

Your email address will not be published.

Scroll To Top