L’univers « Geek » peut-il se marier avec l’univers « Hype » de la culture hip-hop? En 2015, Dope, le 4e film de Rick Famuyiwa, grâce à la comédie, réussit ces épousailles.
Être un dope
Découvert à Sundance, sélectionné au Festival de Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs, Dope remporte le prix du public au festival du cinéma américain de Deauville.
Tout le monde ou presque sait que “dope” signifie drogue. Moins nombreux sont ceux qui savent que dope est synonyme de cool.
Dope est donc l’histoire initiatique de Malcom, Diggy et Jibs, 3 nerds d’un lycée d’Inglewood, quartier chaud de Los Angeles, pris dans un trafic de drogue, malgré eux. Comment 3 geeks, qui paradoxalement aiment le look et le rap des années 90 et ont un groupe de rock, deviennent des Dopes?
Le background
Rick Famuyiwa réalise un film qui s’inscrit dans la lignée cinématographique et sociologique de l’œuvre de Spike Lee. Une plongée dans la communauté africaine-américaine, celle des plus pauvres. Le foyer de Malcom qui est monoparental, vit dans un quartier défavorisé. Un film avec les codes et les motifs de la culture hip-hop autour de laquelle les personnages gravitent. Une chronique de quartier à valeur sociale.
Le réalisateur puisse dans sa propre histoire. Le quartier de son enfance, sa communauté, forment le terreau et l’identité de ses films. Fils d’immigré nigérian sa culture transparait dans ses films comme dans The Wood (1999), son premier long métrage en partie autobiographique ou encore Brown Sugar (2002). Le premier suit également trois jeunes ayant grandi à Inglewood. Le second s’ancre dans le Bronx à New York.

Dope entre dans la modernité 2.0, entre bitcoins et dark net. Malcolm caresse l’espoir d’entrer un jour dans la prestigieuse université d’Harvard. Ce désir semble au départ très compromis par ses origines sociales. Mais son côté geek sera un atout.
20 ans après Do the right thing
Plus de vingt ans après Do The Right Thing (1989) de Spike Lee, malgré les nouveaux outils dont bénéficient la génération Y, les changements sociaux ne sont pas au rendez-vous. Les ghettos de pauvreté sont toujours à peu près les mêmes.
Dope arrive à capter les petits éléments qui caractérisent la vie dans ce quartier chaud de Los Angeles: les vols fréquents, les trafics incessants, les écoles avec portiques de sécurité… Pour s’imposer dans le quartier, il faut être un caïd au gros calibre ou un universitaire au gros business. Réussir et être clean sont antinomiques.
Rick Famuyiwa pose cet amer constat sans le militantisme et la vindicte de Spike Lee mais avec un film feel good.
Feel good movie
Le sentiment de feel good movie est donné tout d’abord par l’humour un peu potache du film.
Dope reprendre les codes du teen-movie, en déplaçant les personnages et les enjeux dans les quartiers chauds de Los Angeles. Les humiliations d’adolescents se transforment en fusillades, les blagues en menaces de mort, les imbroglios en trafic de drogue…

Le film est une comédie avec la structure un peu classique du teen movie. Mais ce récit d’initiation de l’adolescence à l’âge adulte se distingue en se jouant des caricatures. Malcom, doit affronter de nombreux événements rocambolesques qui non seulement affectent ses habitudes mais également décident de son avenir.
Le sentiment de feel good est également donné par le travail de l’image. Des couleurs chaudes et lumineuses en contraste avec la photographie habituelle des histoires de dealers et de trafic de drogue dans les films de tier-quar.
Cerise sur le gâteau, la bande originale de Dope boostée au rap des années 90. La compositrice Germaine Franco crée la musique originale. Pharrell Williams produit les chansons interprétées par les héros du film et leur groupe Awreeoh. Des grands titres classiques du rap signés Digital Underground, Naughty By Nature, A Tribe Called Quest, Nas, Public Enemy… viennent emballer le cadeau.

De la forme mais aussi du fond
Sous ses airs de bonbon acidulé, Dope parle d’égalité des chances. La nécessité de la débrouille, le courage au quotidien pour toute une partie de la population états-unienne, pour espérer sortir de l’atavisme social.
Produit par Forest Whitaker et Pharell Williams, la comédie ne pouvait qu’avoir un petit fond dénonciateur social.
Par exemple, Dom, le dealeur joué par le rappeur Asap Rocky, dans sa scène avec le rappeur Tyga, exprime son inquiétude sur la politique américaine en Irak et en Afghanistan. Cette lutte contre le terrorisme qui pourrait être un prétexte pour « larguer des bombes » chez eux, les quartiers populaires, noirs.
« Dope » est un feel good movie du cinéma indépendant. Tout en légèreté mais sans oublier le fonds social qui est si commun à tous les films classés dans mon Hip Hop cinéma.