Depuis le début de la semaine, une affaire locale prend de grands airs et s’invite sur le plan national. Fatima Ouassak, dont nous avons déjà parlé dans nos pages, se retrouve au cœur d’une polémique délirante. Entre affabulations, fantasmes laïcards et tentatives d’intimidation, retour sur l’itinéraire d’une polémique.
A la Sniper, nous allons tenter une approche chronologique des événements, autant que faire se peut.
Une lettre ouverte aux couleurs diffamantes
Tout part d’une « lettre ouverte » adressée au Maire de Bagnolet. Elle sera relayée par son auteur anonyme sur twitter le 9 novembre dernier. Ce fût ensuite au tour du « site d’info libéral » Atlantico, le 12 novembre dernier de la reproduire intégralement.
La lettre dénonce l’affectation du 14, rue de l’Epine Prolongée à Bagnolet-La Noue à Alternatiba et Front de Mères. Ces deux associations 1901 ont créé Verdragon, première maison de l’écologie populaire dans ce local de 963 m2. Cet espace était auparavant le centre social et culturel Guy Tofoletti.
Entre temps, Marianne et le Parisien se sont emparé.es de l’affaire sous les plumes de Jean Loup Adenor pour Marianne et d’Helène Haus pour le Parisien (les noms aussi ont leur importance). Dans le journalisme, les écrits engagent ceux qui les fournissent, d’où l’importance de la signature des articles.
N’écoutant que leur courage et pas leur déontologie, ces deux chevalier.es de l’universalisme républicain ont produit des articles contre Fatima Ouassak, la qualifiant tantôt de « racialiste », d’« indigéniste », voire carrément de fomenter un projet « antirépublicain ».
Lynchage en règle d’une femme sur la place publique
Cette femme est présentée comme étant « en guerre contre la République« . Faisant fi de l’image d’ennemi publique numéro 1 qu’iels sont en train de lui coller à la peau. Que ces propos aient des conséquences sur sa vie personnelle et familiale n’a aucune espèce d’importance pour elleux. On peut y lire par exemple :
« Derrière ce local, c’est la mise en œuvre de la stratégie des indigénistes, racialistes, antirépublicains qui sont en train de prendre la ville. »
extrait de l’article de Jean Loup Adenor – Marianne – novembre 2021
Ce « fin connaisseur de la politique locale » tel qu’il est présenté, vaut son pesant d’or. Avec Sarah Guerlais, infirmière scolaire et habitante de Bagnolet, ils justifient un article à charge qui sera entièrement repris sur le site d’extrême droite : les envahis.
Au temps pour nous, leur propos a été relayé par 80 signataires ce qui correspond à 0.23% des habitants de la ville qui compte plus de 35 000 habitants. Bien que ce chiffre ait été gonflé à 100 par les organisateurs, cela reste un pourcentage dérisoire.
Selon les « lanceurs d’alerte » anonymes, l’existence de Verdragon est l’indice de l’infiltration des quartiers populaires pour fomenter la révolte. Un vrai cheval de Troie. Vous avez vu le loup là ? Il y a de quoi avoir peur!
Fatima et ses copines mères de famille nous préparent une guerre civile mettant nos rues à feux et à sangs. Préparons-nous à voir la guillotine sur la place Allende (parvis de la Mairie de la Ville) ! Aux armes citoyens contre l’envahisseur ! Et voilà le bon vieux retour de la délation anonyme et des jugements à l’emporte-pièce…
Une méthode bien connue : diffamer pour attirer l’attention
Nous y voilà, quelle jolie façon d’agir et de dénoncer qu’en se cachant pour le faire ! Entre une infirmière scolaire qui ne semble pas bien comprendre ce qu’est le devoir de réserve et sur laquelle s’appuie l’ensemble des articles, les autres n’étant que de « fins connaisseurs de la politique publique… », voilà une belle leçon de déontologie journalistique : un témoignage suffit pour faire une généralité. Universalisme quand tu nous tiens!
L’instigateur de la lettre ouverte se cache aussi derrière le pseudo 2èmeDB73 (déjà parlant mais bon). Cet internaute se décrit dans sa bio twitter comme « Laïque, Républicain universaliste, hostile à tous les extrémistes politiques ou religieux. Cofondateur d’on_vous_voit : plateforme collaborative d’observation du séparatisme ». Il nous offre un beau programme : se cacher pour mieux dénoncer son voisin. Programme qui a déjà eu de belles heures devant lui.

A croire que l’histoire se répète, voire qu’elle begaye.
Encore une attaque en règle contre une femme qui ne cherche qu’à soutenir et fédérer. Encore un lynchage sur la place publique, sans prise en compte de son action, de son investissement. En cause ? Comme toujours, son engagement politique et social. Les pratiques ? Toujours les mêmes : asséner des mensonges sur son parcours et ses intentions: la diaboliser.
Pour ce faire, quoi de plus simple que de lui inventer des propos, des accointances et un agenda politique sans aucune véracité ? Bref, de la pure diffamation en bonne et due forme.
Un coup d’épée dans l’eau
En 2018, le Point tentait déjà de discréditer le mouvement. Force a été de reconnaître que « Dans l’ensemble, les interventions que nous avons pu entendre demeurent mesurées »…. Dég le journaliste, il espérait un appel au Djihad, il a eu des propositions constructives. En mai dernier, voilà le spot de Front de Mère :
Obligé aussi de citer Fatima qui refuse la qualification d’indigéniste :
« Pour moi, c’est un terme d’extrême droite, la plupart du temps mobilisé pour disqualifier et diaboliser le discours antiraciste ou émanant des quartiers populaires. »
Article du Point – septembre 2018 – Fatima Ouassak citée.
Vent debout contre Front de mère depuis sa création, Marie Laure Brossier, conseillère municipale de Bagnolet (apparentée LREM) estime que Verdragon est une stratégie pour « rallier l’électorat bobo et le diriger doucement vers un socle idéologie indigéniste »… (chercher l’erreur dans la phrase).
La politique à Bagnolet a toujours été un sujet sérieux, pris à bras le corps par ses habitants. Cette polémique véhicule une idéologie qui veut transformer la foi en terrorisme, l’égalité en uniformisation des comportements. La laïcité n’a jamais été imposer son point de vue, mais respecter celui de l’autre. Elle permet la liberté de culte, d’opinion et de croyance. A bon entendeur…
Propagande d’extrême-droite en… banlieue rouge ? Fichtre.
Les soupçons locaux sur le couple Ouassak-Brakni sont bien pires et plus diffamants encore.
Dans le Landerneau on parle même d’islamisme dissimulé, ce fantasme insoluble de la « taqya ».
L’anathème du « cheval de Troie » a déjà existé à Bagnolet, à l’encontre d’une initiative d’alternative végétarienne dans les cantines municipales; soupçonnée d’être précurseure à la revendication de menus… Halal. 😆
Ce à quoi F.Ouassak, non sans humour, avait répondu:
« Oui, on peut être de culture musulmane ET végétarien.ne! »
P.s.:
« …qui (…) réserve les jardins partagés à certains habitants… »
Diantre, là-dessus aussi il y aurait une enquête à mener à Bagnolet… et un article à écrire.