Journaliste, ancienne Boxeuse de Haut Niveau Avant je cassais des…
Le sport spectacle a fait couler beaucoup d’encre en France depuis ce mercredi 6 avril. Deux influenceurs Benji Samat et Dylan Thiry se sont affrontés au Palais des Sports de Marseille devant 4000 spectateurs. Annoncé comme amateur, n’est-ce pas à un combat professionnel déguisé auquel nous avons assisté ? Retour sur cette polémique où le Noble Art rencontre la télé-réalité.
Un combat de boxe opposant deux stars de la télé-réalité s’est tenu le 6 avril dernier à Marseille. Nous nous sommes demandés si la rencontre entre le Noble Art et la télé-réalité était de bonne augure et avons partagé notre interrogation dans le milieu.
« Tout le monde a le droit de boxer » pour Abadila Hallab, entraîneur en chef du BAM L’Héritage, élu meilleur club de France à trois reprises. Néanmoins, le directeur sportif se désole des conditions dans lesquelles ce combat a eu lieu :
« On ne peut pas autoriser un combat sans casque, bandage dur, torse nu, avec des gants de 10 à lacets alors que les mecs ont zéro combat amateur, zéro combat en boxe éducative. C’est une insulte à notre discipline et c’est une insulte à tous ceux qui respectent le règlement tous les jours. »
Vous l’aurez compris, effectuer ce combat dans les réelles conditions d’amateurisme (t-shirt, casque, pas de barbe ) aurait permis d’éviter la polémique.
Évoluer chez les professionnels : le parcours du combattant
En effet, pour évoluer chez les professionnels en France, cela relève du parcours du combattant : avoir 20 combats minimum chez les amateurs, avoir effectuer 7 combats amateur en 3X3mn sans casques.
Puis, une commission se réunit et il faut que le boxeur comptabilise plus de 50% de victoires. « Pour faire 20 combats amateur aujourd’hui c’est compliqué, ça peut durer 2 à 3 ans » précise le chef d’orchestre des Mureaux, avant d’ajouter :
« Le règlement est là pour veiller à l’intégrité de tous les athlètes. Là on a des mecs ils ne savent pas boxer, ils ont commencé la boxe il y a 15 jours et on leur a mis des bandages durs ! C’est dangereux pour eux à la base… »

Et ça n’a pas manquer. Dylan Thiry, un des protagonistes sur le ring, s’est effectivement luxé l’épaule pendant la rencontre : « Il faut que la fédération rende des comptes…le mec peut porter plainte contre la FFBoxe. On ne sait pas ce qui peut se passer derrière… » déplore Abadila Hallab.
Dominique Nato, président de la Fédération Française de Boxe, a, de son côté , fait son mea culpa sur les réseaux sociaux :

Néanmoins, la pilule a du mal à passer… De nombreux acteurs et principalement les entraîneurs fournissent un travail considérable au fil des saisons pour raviver la flamme du Noble Art en France sans être autant médiatisés. Ainsi, Abadila Hallab poursuit :
« Nous organisons souvent, tous les 3/4 mois. On nous impose des critères, on a du mal à organiser, à trouver des adversaires, on paie tout. Et on n’a jamais reçu le respect qui nous est dû : il n’y a jamais eu d’articles sur le site de la FFBoxe ou encore France Boxe. Nous oeuvrons au quotidien avec nos gamins. C’est nous qui donnons de l’attractivité à la boxe en France. On n’a pas de respect. Et aujourd’hui t’as des influenceurs qui boxent en boxe pro alors qu’ils ne connaissent pas la boxe. Ils ont vulgarisé ma discipline et je n’aime pas ça. Tu peux pas vulgariser ma discipline c’est un art ! »


En outre, la facilité avec laquelle cette rencontre a pu avoir lieu est aussi pointée. Pour pourvoir boxer sur le ring, il faut faire ses preuves à la salle, montrer sa détermination à travers les gouttes de sueur et le respect de la discipline imposée dans chaque club.
Une différence de traitement qui sape le travail des entraîneurs : « Aujourd’hui t’es une star de la TV Réalité, on t’ouvre les portes de partout alors que nous on dit aux gamins qu’il faut se battre dans la vie. » constate Abadila.
Avant de conclure : « On est laissé pour compte par la fédération. Les entraîneurs oeuvrent au quotidien et se sentent méprisés. Et il n’y a rien de pire que le mépris. On organise des galas internationaux. On fait en sorte de faire rayonner la boxe sur l’hexagone. Et on n’a même pas le respect que l’on doit avoir. »
Un challenge pour Louis Lavaly
De son côté, Louis Lavaly, entraîneur marseillais reconnu, a accepté le défi proposé par Benjamin Samat : « Pour moi c’était un challenge. Actuellement dans la boxe, il ne se passe pas grand chose…L’histoire de faire un boxeur en un mois, ça m’a plu. Il m’a demandé et vu qu’il est assez sympa et respectueux j’ai accepté. »

Assurément, ce n’était pas gagné d’avance pour l’ancien entraîneur de Myriam Lamare : « La première fois que je l’ai fait travailler, je me suis dit « Louis comment tu vas faire ? » Et puis c’est quelqu’un qui est doué, je crois qu’il aurait pu être boxeur. Il est sportif de base et courageux. Et j’ai même trouvé qu’il avait une bonne frappe. Tu prends un âne, tu ne peux pas en faire un cheval de course. C’est pareil, lui c’était un cheval de course donc c’était assez facile. »
De fait, réputé pour être dur avec ses poulains, Louis Lavaly n’a fait aucun cadeau à son apprenti boxeur :
« Il s’est entraîné une fois par jour. Je lui ai fait mettre les gants tous les jours. Au début avec des débutants et après des plus confirmés. Car je lui ai dis : tu vas te préparer physiquement monter les escaliers, courir tout ça. Mais le jour où tu vas prendre un taquet tu vas plus rien comprendre. Il faut que tu prennes des taquets pendant un mois. Plus on va t’en donner plus tu vas être capable de les recevoir. »

C’est donc sans surprises que l’influenceur marseillais a remporté son combat à l’unanimité des juges : « Le but était d’aller au bout des actions pour surprendre Dylan et il n’a pas surpris que Dylan mais tous les spectateurs. Pendant un mois je lui ai dit « T’es pas à Dubaï ici ». Franchement, je l’ai traité comme les miens. Il aurait pu claquer la porte mais il revenait tous les jours.«
Le sport spectacle : un nouveau souffle pour la boxe ?
Quand aux critiques, l’entraineur au béret les comprend. Même si pour lui ce genre de soirée permet de faire travailler des centaines de personnes mais aussi de relancer la boxe : « Après chacun pense ce qu’il veut même si j’arrive à comprendre les critiques. Mais leur mettre un T-shirt etc… ça aurait intéressé qui ? Ce qu’il faut regarder c’est qu’on a parlé que de ça pendant 4 jours. Donc, on a parlé de la boxe. Et qui fait parler de la boxe en France à part Yoka ? Oui, on n’était pas dans les clous, le sport spectacle doit se faire autrement. »
47 000 PayPerView vendus
Aussi, pour beaucoup, il y a une carte à jouer avec le sport spectacle pour relancer la boxe en France. Les gens sont demandeurs au regard des chiffres de cette soirée : 4000 spectateurs , 47 000 PayPerView vendus. L’intégralité des bourses touchées par les boxeurs ont d’ailleurs été reversées à deux associations.
« Mes boxeurs ont eu le privilège de boxer devant 4000 personnes au Palais des Sports de Marseille. Et aucun de mes boxeurs à l’heure actuelle ne peut remplir cette salle. Benji l’a fait. Moi la dernière fois que j’ai boxé au Palais de Sports c’était avec Mehdi Sahnoune pour le championnat du Monde WBA en 2003. Tu peux critiquer tu peux faire ce que tu veux mais c’est dommage de ne pas regarder le bon côté.Tout le monde ne dit pas du mal du match. Et ceux qui disent fallait pas faire ci, fallait pas faire ça et bien coupez nous la tête voilà ! »
De nouveaux regards sur le monde du Noble Art
Réellement, le trash talk et le sport spectacle nous viennent directement des Etats-Unis. Souvenons-nous du combat entre Floyd Mayweather et Conor McGregor qui avait engendré des sommes astronomiques. Cependant, au pays de Coubertin, nous y sommes plutôt réticents.
« Si c’est bien fait le sport spectacle, bien sûr que j’y suis favorable. Il ne faut pas se mentir on est mal dans la boxe… Et là il y a eu cet évènement, c’était l’occasion d’en parler. Et je pense que l’on doit faire un règlement pour le sport spectacle différent de celui des compétitions et combats officiels.» confie Louis Lavaly.

Véritablement, cette soirée a attiré de nouveaux regards sur le monde du Noble Art. Un monde qui a besoin d’un nouveau souffle… la télé-réalité peut-elle le lui apporter ? Si l’équité est respectée, que les conditions sont les mêmes pour tous, c’est une affaire à suivre de près. Influenceurs ou pas, ce combat aura tenu ses promesses car on attend toujours le combat de MMA entre les rappeurs Booba et Kaaris…comme dirait le premier : « C’est l’Octogone avec une flûte. »
Journaliste, ancienne Boxeuse de Haut Niveau Avant je cassais des gueules maintenant je casse des codes...