Pseudo de Jérémy Rubenstein, historien, chroniqueur et écrivain (pas forcément…
Cette semaine, du 16 au 20 janvier, se tient le Forum Economique Mondial à Davos. Il s’agit d’une réunion annuelle qui ressemble beaucoup à celles organisées par les Alcooliques Anonymes. Des capitalo-dépendants y promettent qu’ils ne recommenceront plus mais se remettent à consommer, très souvent avant même la fin de la réunion. D’ailleurs, la principale différence avec les AA est un taux de réussite (de sortie de la consommation) avoisinant le zéro absolu à Davos.
En exclusivité pour Hiya!, l’un de nos reporters a pu s’introduire dans une réunion et retranscrire son contenu, souvent assez pathétique. La rédaction a choisi de publier quelques extraits du témoignage d’un capitalo-dépendant sévèrement atteint, dont nous préservons l’anonymat. Il s’agit d’un homme encore relativement jeune, qui aurait pu être utile à la société. Malheureusement, à ce stade de dépendance, aucune chance qu’il sorte un jour de son délire, affirment tous les experts en addictologie interrogés. Si bien que se pose la question de la nuisance sociale de cette personne. Entre les soins devant être apporter à ce genre de cas sociaux et les torts qu’ils provoquent à la société, de nombreux dilemmes se posent.
Avertissement : le reportage comporte des scènes de violence sociale explicite à même de heurter la sensibilité d’un public conscient des enjeux importants pour l’avenir.
Dans l’immense salle de conférence du sommet de Davos, les invités étaient réunis en cercle. Assez simplement, l’un après l’autre racontait son addiction. Voici une partie du témoignage de l’un d’entre eux.
Emmanuel M., un capitalo-dépendant comme un autre
– Bonjour, je m’appelle Emmanuel M. et je suis dépendant au capitalisme, en intraveineuse, à sniffer, à fumer et toutes manières imaginables d’absorption.
– Bonjour Emmanuel M.
– J’ai commencé très jeune à consommer. Au début, c’était sympa, je pensais faire un peu d’argent avec de l’argent. Et ça marchait. Et c’était joyeux, nous le faisions avec des amis. On s’amusait bien et c’était de petites sommes. Aujourd’hui je suis à des niveaux de consommation ingérables. Je n’ai plus de quoi payer les doses. Alors, je mens, je vole, je serais prêt à tuer pour me sentir planer à nouveau.
Là, j’en suis à braquer les vieux. Je leur pique leurs retraites pour alimenter mon kif. Même mes amis, avec qui je consommais régulièrement, me disent de ne pas le faire. D’autres me proposent de prendre l’argent des plus riches ou aux entreprises. Mais ils ne comprennent pas que le plaisir, le moment où je plane, c’est justement quand je refile des dizaines de milliards aux plus riches. Ça me prend aux tripes, je sens le plaisir à la fois me monter au cerveau et se répandre dans le ventre. Le sexe durcit, l’anus se dilate. C’est un truc de dingue.
L’ISF, le Kif
Quand j’ai supprimé l’Impôt Solidarité sur la Fortunes, j’ai jamais senti un coït aussi long. Alors quand plein de gens me demandent de le rétablir… Vous pensez bien qu’il en est hors de question. Ce serait le bad total. Ils arrêtent pas de m’embêter parce que j’avais promis que si ça ne générait pas plus d’investissement, je rétablirais l’ISF. Ces trucs qu’on dit quand on veut prendre une dose, vous voyez?
– Oui, ça arrive. On a tous vécus des épisodes similaires (plusieurs voix)
– J’aurais mieux fait de me taire mais bon, ça va, ça passe. Mais, là c’est un peu plus dur, ils ont l’aire de vouloir résister au braquage des vieux. Je la sens pas trop cette affaire. Mais je ne peux pas faire autrement. C’est ma prochaine dose. Et, franchement, on se demande à quoi ça leur sert cet argent aux vieux, ils en font rien d’intéressant. Alors que moi ça me fait planer grave. C’est stratosphérique !
Et, puis, il faut dire, si tout ces gens, qui veulent m’empêcher de me shooter avec l’argent des vieux, y parviennent… Après, je n’aurais plus aucun dealer. Autant dire que mon quinquennat planant va se convertir en des années de sevrage. Inconcevable. Il faut que je fasse plier tous ces miséreux, sinon ça va être un very bad trip.
Le fric de ceux qui ne sont rien c’est tout de même du fric
Emmanuel M., philosophe (et accro)

« Une réforme du chômage, c’est au moins deux coïts assurés »
C’est comme les chômeurs, ils avaient plein de pognon. Un pognon de dingue. Quand je leur ai fait les poches, ça m’a fait un plaisir de ouf. Je me sentais revivre. J’écoutais le grésillement de la galette de crack et… bam! Dans la tête. Parce que, mine de rien, les gens qui ne sont rien, les chômeurs, ils avaient plein de fric à prendre. C’est pas beaucoup, quelques centaines d’euros par-ci par-là. Mais, comme ils sont nombreux, je me suis fait des shoots de fous-furieux. J’avoue, j’ai un peu raclé leurs poches. Mais ça en valait la peine ! J’étais déchiré pendant une semaine.
Alors, je sais, voler c’est pas bien. Et ce sont des gens qui payent leur chômage quand ils travaillent. Mais bon, côté éthique, je vous ferais remarquer que je ne vole jamais les autres addicts. Je respecte la confrérie, pour ainsi dire. Entre accros, il faut se soutenir.
Le plaisir est dans la spéculation
Je ne braque que les gens qui ne font rien de leur argent (à part bouffer et payer le loyer, ou des trucs comme ça, so boring). Par contre, pour les autres, je me démène. J’ai même exonéré d’impôt les traders. Il y a plein de gens qui disent que les traders ne servent à rien, qu’ils ne font que spéculer. C’est vrai. Mais c’est justement là que se trouve le plaisir. Gagner des millions en quelques minutes c’est quand même plus kiffant que d’investir dans des usines et puis attendre des années pour générer un peu de profit. Moi, ce que j’aime c’est quand ça vous monte direct à la tête. L’explosion extatique.
Alors lors du Brexit, j’ai tout fait pour rameuter tous les traders de la City. Avec eux, c’est le plaisir assuré: les millions valsent en quelques micro-secondes. Rien ne se produit, pas d’usine, ni de service utile, et l’argent se multiplie. De l’argent avec de l’argent à travers de l’argent. J’adore. J’en ai les veines qui se gonflent rien que d’y penser, et redemandent une dose.
– Merci Emmanuel pour ta sincérité. L’addiction que tu as, nous la partageons. Et ton récit donne vraiment envie de se faire un rail financier de fou. On va tâcher de calmer ça. On a promis à plein de gens de se calmer. Mais bon, en attendant, ça ne vous dit pas un petit financement sur du fossile ? Ou une bonne vieille centrale nucléaire ? Allez, les gars, un dernier tour et on se calme. Step by step, il faut arrêter tout ça mais… pas trop vite.
(Grands applaudissements. La plupart des convives sortent des pailles, des pipes en verre et des seringues).
Davos, la colline du Crack (Financier Mondial)
En règle générale, les traitements de choc (genre sevrage complet du jour au lendemain) sont à déconseiller pour les drogues. Pour le capitalisme, il n’y a cependant pas d’autre remède. Profitons donc du fait que tous les dépendants sévères se réunissent à Davos pour déployer une force policière importante afin de les nasser tous ensemble. On leur dira que c’est pour les protéger, et on les empêchera de sortir de Davos. On les laissera gambader là, seuls sur la montagne. Ainsi, les personnes sérieuses (le presque totalité du reste de l’humanité) s’occuperont de réparer le monde.