Certaines plaies ne cicatrisent pas. Celles des Yézidis éclosent encore. Comme si le sang sèche plus vite en entrant dans l’Histoire, 16 survivantes yézidies s’emparent de l’art pour faire reconnaitre le génocide de leur communauté. Un train qu’elles attendent sans relâche.
Publié par les Nations Unies sur la plateforme Google Arts & Culture, “Archive culturelle des Yézidis” présente une série de quatre expositions en ligne dédiée au génocide de la communauté yézidie. Accessible en arabe et en anglais, le projet a été réalisé par 16 survivantes des camps de Daesh, en collaboration avec le collectif Yazda, Community Jameel, CULTURENNERS, et Nobody’s Listenning.
Nobody’s Listening: Justice for the Yazidi People
The Healing Lens: A Photographic Journey by Yazidi Survivors
Stories of Thread & Ink: Preserving Yazidi Cultural Heritage

Des larmes à l’art
Composé d’archives, d’œuvres, de photographies, de courts-métrages et de témoignages, le projet vise à déterrer l’histoire sanglante des Yézidis tout en servant de référentiel numérique permanent. Loin de l’approche victimaire, la résilience des survivants est alors mise à l’honneur. Comme une bougie qui ne s’est jamais éteinte, une rose qui ne s’est jamais fanée, les artistes incarnent la résistance des femmes face à l’injustice la plus radicale. Pour le devoir de mémoire, ces 16 survivantes ont déposé leurs histoires sur des œuvres. Commuant ainsi leur trauma en combat politique.
« Les femmes qui ont créé cette archive ont décidé d’affirmer leur identité et refléter la force, la dignité et la vitalité de leur communauté. C’est une contribution essentielle à la préservation de la mémoire sociale au lendemain de la violence.”
Dr. Nisha Sajnani, fondatrice et directrice du programme Art & Santé de l’Université de New York.
Les oubliés de l’Orient
3 août 2014. Le soi-disant État islamique prend le contrôle du nord de l’Irak. Il balaye, à son passage, les foyers ancestraux de la communauté yézidie, une ethnie kurdophone. L’endoctrinement commence et un ultimatum est lancé : les habitants sont contraints à la conversion forcée. Fidèles à la religion des septs anges, une des plus anciennes, les Yézidis refusent de se soumettre à l’Islam. En se fondant sur un Coran réduit au pharisaïsme, “l’État Islamique”, exécute des hommes, viole des femmes, kidnappe des enfants, détruit des patrimoines religieux et assène son barbarisme le plus bestial au peuple yézidi.

Réduits à l’esclavage, massacrés puis jetés dans des fosses communes… Des milliers de femmes, hommes et enfants ont croupis sous le drapeau noir de Daesh. Mauvais sort. Tout au long de leur histoire, les Yézidis ont été victimes de plus de 74 génocides en raison de leurs croyances religieuses, incomprises de leurs voisins musulmans. Aujourd’hui, plus de 200 000 Yézidis vivent dans des camps de déplacés, majoritairement au Kurdistan irakien. Mais huit ans après le dernier massacre ethnique, les survivants continuent de réclamer soutien et justice – les enlèvements, les viols et les exils étant toujours d’actualité.