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Les black Blocs ou ce feu qui nous brûle

Les black Blocs ou ce feu qui nous brûle

Une équipe de Black Blocs se fait plaisir en réalisant un film d’une grande qualité esthétique qui montre leur niveau d’engagement et de culture. Si Darmanin risque de s’étouffer à la vue de ces images qu’il lira au premier degré, le rêve de ces activistes se réalise à travers un récit simple et efficace qui esthétise le passage à l’acte. On plonge avec eux dans un joyeux fantasme. Sans aucune opposition, on choppe un flic, on s’empare d’une voiture de police, on la découpe, on la brûle. Quelle jouissance…

Le décor est puissant, la caméra hyper talentueuse, les plans impeccables, le scénario autant sommaire qu’efficace. On traque un flic, on le tabasse, on s’empare d’une voiture de police, on la « déchire », on la brûle dans un rituel extatique, une fête joyeuse et solennelle entre la danse tribale et le ballet d’opéra. Tout fonctionne parfaitement, le rythme est réjouissant, les corps souples, déliés, élégants. On nous parle d’un sujet brûlant en le transcendant.  

Qui sont les Black Blocs ?

Qui sont ces hommes qui déclarent la guerre au pouvoir en s’attaquant frontalement avec leurs corps à une force qui les dépasse, le symbole ultime du pouvoir : la police ? Des sauvages, des terroristes, des voyous assoiffés de destruction comme on tente de nous les présenter ? Des jeunes hyperviolents que l’on crucifie comme des hérétiques ? Du feu, des flammes, des vitrines qui s’effondrent, des milliers d’euros qui s’envolent en fumée  pour le plaisir de quelques zonards, des marginaux inadaptés et pétris de haine, nous dit-on.

Pourquoi cette haine à l’égard des Black Blocs ?

C’est juste une absence d’intensité dans le regard. Un degré de clarté qui manque. Le flic dans la réalité n’est pas cet être humain qui pourrait être un copain, il est la figure casquée d’un pouvoir qui avilit la planète et laisse sa jeunesse sans espoir, dans le noir et dans des couloirs ensanglantés. Une force monumentale sans état d’âme qui piétine tous nos les espoirs. Que représentent quelques milliers d’euros de casse face aux inégalités qui chaque jour progressent ? Des milliards circulent sous le manteau partout dans le monde, les écarts de richesse étouffent nos quartiers, nos voisins, nos amis, les injustices flagrantes. Le monde se radicalise et se tourne vers le déni, l’exploitation, la violence, la misère et on stigmatise ces activistes et militants qui réclament ouvertement des comptes à leurs aînés qui ont détruit la planète, qui dénoncent ces maffias financières qui étouffent notre communauté en tout impunité, les vies ruinées, les forêts brûlées, les milliards détournés. Au-delà des vitrines qui explosent, les Black Blocs dénoncent un état capitaliste et libéral illégitime qui chaque jour nous entraîne dans une histoire sans retour.

Les Black Blocs sont des artistes qui rêvent leurs vies

Pourquoi les dénoncer systématiquement comme des nihilistes, des terroristes qui ne font qu’égratigner les richesses qui s’accumulent en lousdé ? Les Black Blocs sont des artistes qui rêvent leurs vies, au-delà de la violence, la honte, la peur, la destruction, au-delà de cette vision noire du monde qui s’infiltre et nous paralyse. Nos pères sont de foutus tricheurs. Comment se faire entendre ? Leur méthode est-elle la bonne ? Qui pourrait en juger ? Elle a le mérite d’exister et dessiner en pointillé une opposition frontale qui ne s’en laisse pas compter. Leur cri n’est-il pas légitime ? Ces vitrines qui éclatent ne sont-elles pas qu’une infime goutte d’eau face à l’inertie que l’on oppose à notre propre perte. Le monde est en danger et nous le regardons sombrer. Ça prend aux tripes et ça pousse sans précaution dans la rue pour casser. Dire non. Résister à l’hypocrisie planétaire qui nous ronge. On ne doit jamais oublier que la question de l’art est a partie liée au vandalisme nous dit Paul Ardenne, écrivain et historien de l’art.

Un fantasme absolu pour ces activistes,

L’image que l’on nous donne à voir à travers Phantasm, le film réalisé par Macadam est pourtant d’une autre nature. Oui, nous sommes sur un terrain de chasse, dans un entrepôt abandonné aux allures de cathédrale, des graph sauvages comme des fresques du Moyen Âge, mais la violence est stylisée, esthétisée. La violence, la vraie, celle de la rue, du gaz, des coups, de humiliations est transcendée. Le danger est comme une vague de plaisir qui nous porte avec les acteurs. Un fantasme absolu pour ces activistes, le fantasme de la victoire, lorsque la peur est vaincue, les flics anéantis, les symboles du pouvoir partis en fumée dans une fête joyeuse, presque enfantine. Une forme de joie et d’apaisement qui nous transporte.

Nous sommes la multitude, nous disent-ils.

Le langage du film est en décalage avec langage de la rue, disant ainsi que leur violence est une posture. Les cagoules ne cachent ni serials killers ni héros de série B, mais plutôt des jeunes gens fragiles, joyeux et souvent paralysés par la peur lorsqu’ils avancent en rangs serrés dans les cortèges de tête. Des jeunes engagés qui tentent de nous alerter à travers des actions spectaculaires, sur le bourbier dans lequel un système devenu fou nous précipite. Le film de Macadam nous dévoile la vraie nature de ces jeunes romantiques cachés sous leurs cagoules. Il nous tisse un récit somptueux qui nous touche au cœur comme un rêve. Nous sommes la multitude, nous disent-ils. Délivrés de la peur et des coups qui les terrorisent, ils transcendent leurs luttes pour les faire entrer dans l’histoire comme on entre à l’opéra. Contrairement au film Athena qui caricature la violence jusqu’à l’écœurement, ce film nous insuffle du désir et de l’espoir. Une forme de jouissance qui nous engage et réclame une nouvelle histoire. Plus loin, plus loin, semblent-ils nous dire. Le dernier plan est un appel à l’action. Une lumière au loin dans les ténèbres, une voiture de police qui brûle, la répression qui symboliquement se transforme en lumière, une lueur d’espoir. Une flamme qui nous demande d’agir, de reconstruire nos imaginaires, de retrouver le feu qui nous habite.

L’absence de mots

Si on peut formuler une critique, c’est celle d’une absence de mots, de phrases qui sans parasiter l’image donnerait une assise aux revendications pour les suggérer, les mettre en abîme pour donner à cette leçon de vie, un sens qui au-delà de l’images touche tous nos sens.

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