Pseudo de Jérémy Rubenstein, historien, chroniqueur et écrivain (pas forcément…
Le pouvoir adopte volontiers un langage martial, « nous sommes en guerre ». Mais il refuse toutes les mesures pour affronter les dangers, les investissements et la cohésion du peuple. Il travaille au seul bénéfice des profiteurs de guerre et contre les personnes envoyées au front.
Depuis 2020, Macron nous annonce sans cesse des guerres. Face au Covid, à tort ou à raison ( à tort, bien sûr), il avait adopté une rhétorique guerrière lorsque le monde basculait dans l’inconnu de la pandémie. Il était inspiré ce jour-là: « Nous sommes en guerre » disait-il d’un ton martial. On aurait presque entendu les timbales de Strauss annonçant la grande marche de l’Histoire.
Non, je plaisante. Avec Macron, quoiqu’il dise, il fait toujours l’effet d’un manager de supérette ou, plutôt, de succursale de la Société Générale dans une sous-préfecture. Ça sonne toujours faux. On dirait un atelier de théâtre du secondaire où le fayot de la classe joue le rôle de jeune premier. À la représentation de fin d’année, il déclame ses vers, ses parents sont réjouis, maman est contente. Le reste du public est atterré, a hâte que ce moment pénible se termine pour pouvoir applaudir poliment et se casser.
Rhétorique de guerre, mesures pro-business
Si cette rhétorique était certainement déplacée (face à un virus on soigne et cherche des soins, on ne tue pas), elle avait cependant l’avantage d’annoncer la mobilisation de toutes les ressources dans un but. Toutes les ressources, ça signifie des impôts exceptionnels aux plus fortunés. Il s’agit là d’une mesure presque systématique lors des guerres. Par exemple, les élus votent enfin l’impôt sur le revenu progressif dans les premiers jours de la Première Guerre mondiale. Surtout, une contribution exceptionnelle sur le bénéfice de guerre est instaurée en 1916. Il s’agissait alors de faire payer les profiteurs de guerre. Faut-il rappeler que les oligarques français ne se sont jamais autant enrichis que sous Macron, et encore plus depuis le Covid.
L’autre soucis systématique lorsque « nous sommes en guerre » c’est obtenir la cohésion du pays. Autrement dit, éviter toutes les mesures qui le divisent. À ce titre, il n’est intéressant d’écouter Macron lorsqu’il suspend la « réforme » des retraites en 2020.
Face au danger, multiplier les divisions
Pas d’impôt aux plus riches et des mesures absurdes et contradictoires qui ont fait perdre la confiance d’une bonne part de la population. Voilà ce qu’a fait Jupiter depuis son Élysée pour la cohésion du pays face au Covid. Le gouvernement a même stigmatisé les plus méfiants, comme une sorte d’ennemi intérieur qu’il faudrait chasser (à travers des « pass vaccinal » et autres mesures discriminatoires). Avec la subtilité de sa pensée complexe, Macron a expliqué qu’il avait envie de les emmerder.
La seule mesure concrète prise dans le sens d’une « guerre » fut la création d’un « conseil de défense sanitaire ». Comme on ne connait même pas les noms des membres de ce conseil, celui-ci ne fait qu’alimenter toutes les suspicions. Celles-ci sont d’autant plus justifiées que les profiteurs de guerre sont pléthore autours du gouvernement. À commencer par McKinsey et toutes ces boites de conseil qui doublent le travail habituel de la haute-administration, en se gavant avec l’argent public. Jusqu’à preuve du contraire, la seule raison d’être de ce « conseil de défense » est d’éviter les poursuites judiciaires.
De la guerre contre le Covid à la guerre contre la Russie, une même obsession : diviser
Du jour en lendemain, l’année dernière, le Covid a disparu. Si on ne s’informe que par les premières pages de journaux, on serait tenté de croire que la guerre en Ukraine a été un vaccin définitif contre le Covid.
Cette fois, il y a tout lieu d’utiliser un vocabulaire guerrier. Une puissance nucléaire a déclenché une guerre, et ça se passe à trois heures de vol de Paris. Donc, directe ou indirecte, c’est-à-dire quelque soit le langage diplomatique (très important) adopté, la guerre est là.
Quelle est la seule mesure significative de Macron dans ce contexte? La réforme des retraites. Son dada. La mesure qu’il avait jugé utile (à raison) de suspendre lorsqu’il annonçait la « guerre » au Covid, il la reprend lorsque l’Europe est véritablement en guerre.
Autrement dit, face à une guerre, qui comporte un danger potentiel gigantesque, la seule idée de Macron c’est de diviser le pays pour une mesure que personne ne juge urgente. (La grande-majorité la juge inutile et/ou injuste, mais même l’infime minorité de ses partisans n’en voient pas l’urgence). La seule guerre que sache mener Macron est contre le peuple.
Aussi, si aujourd’hui, il fallait décréter la mobilisation générale, ce serait d’abord contre Macron et les oligarques français et seulement ensuite contre Poutine et les oligarques russes. Les premiers nous attaquent maintenant, les seconds sont un danger encore distant (quoique pas moins rapaces et mortels).
De la haute trahison en temps de guerre
Reste une question: comment désigne le vocabulaire martial une personne qui divise le pays face au danger? Un traitre. Ce n’est pas nous (certainement pas moi, en tout cas) qui avons décrété une quelconque guerre. Le président lui-même a de nouveau adopté le vocabulaire guerrier (avec les cymbales de Strauss qui sonnent si faux quand ce comédien déclame). En divisant le pays durant une guerre qu’il a lui même acté, il se comporte comme un traitre.
La Constitution de la très monarchiste Vème République prévoyait un cas, et un seul, dans lequel le président pouvait être destitué: celui de trahison. L’article 68 indiquait en effet que « Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. » Il eut donc été possible de le destituer. Soit pour son attitude durant la « guerre contre le Covid ». Soit pour vouloir absolument diviser le pays quand la guerre en Europe prend toujours plus d’ampleur.
Mais non. Des petits malins ont changé l’article 68 de la Constitution. La figure de haute-trahison n’y figure plus. Depuis 2007, il « ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Cette affaire de « haute trahison » était déjà vague, maintenant c’est carrément fumeux. Faudra trouver un autre moyen de le dégager, lui et son monde (dont la Constitution de la Vème République).