Dans la nuit du 5 au 6 mars des activistes ont détourné la signature de la BNP. Une descente en rappel le long de la façade du bâtiment situé à Barbès pour détourner le message que l’institution bancaire envoie à la communauté. « La banque d’un monde qui change » devient « la banque d’un monde qui brûle »
Qui sont-ils ? Quels sont ces activistes qui pendus au bout d’une corde nous ont gratifié d’une telle intelligence. Leur travail chargé de distance et d’humour opère un basculement radical, ouvre un nouvel horizon avec un mot, un petit mot seulement qui fait sens. Passer du mot change à celui de brûle. Pas grand-chose mais pourtant le résultat s’impose. Grandiose !
Ce « gloubi-boulga » sans âme qui encombre nos cartes bancaires prend depuis ce matin un nouvel éclairage « La banque d’un monde qui change » s’éclaire soudain par la force d’un mot, d’un nouvel éclairage. La banque s’impose au cœur de la modernité, elle devient cette institution qui affirme clairement sa détresse. Le monde brûle et nous sommes au cœur de cet immense brasier, nous en sommes les acteurs. Nous reflétons l’état du monde.
Enfin une banque qui fait sens. Une prise de position d’une lucidité fracassante qui force l’admiration et nous pousse collectivement à réfléchir. On ose la transparence. Les actionnaires, la direction, les salariés, les clients, le public ne pourront plus tourner la tête sur les malheurs du monde. Nous sommes tous ensemble au cœur du brasier. Que pouvons-nous faire ? Comment répondre à cet incendie. On arrête de jouer avec des mots creux, on affronte la réalité brûlante. Quelle lucidité. Un directeur de communication un tant soit peu intelligent virerait son agence de communication pour décrocher immédiatement son téléphone et interroger les acteurs de ce « drame » Comment peut-on bosser ensemble les gars ?
Nous ne pouvons qu’avouer mon admiration pour ceux qui affrontent le vide, le vent, le froid pour tenter d’inverser en toute simplicité et peut-être sans le savoir, le cours de l’histoire. Souvenons-nous de ce matin du mois de mars 2023 où nous avons découvert cette pure création sur la façade de la BNP à Barbès. Les situationnistes auraient pu aisément se l’approprier. Ces héritiers de Guy Debord manipulent les mots comme des poètes. On attend avec impatience les nouveaux épisodes de leur récit pour encore nous réjouir et nous faire rire dans la grisaille de cet hiver.
L’action n’a pas été revendiquée. Voici le texte qui soutient l’action.
LA BANQUE D’UN MONDE QUI BRÛLE
Qui veut encore de leur pouvoir ? Qui n’a pas faim de révolte ?
Il y a eu les premiers rassemblements, dans l’air glacé de janvier. Février, on a envahi la rue. Avec les semelles lourdes, sous ce soleil d’hiver contre nature, remplis de nos cris étouffés à même la gorge. Il y avait la rage incommensurable, le poids des souffles, les dos engourdis qui se redressent. Il y avait la peur. Quoi de plus normal, qui voudrait perdre un oeil pour un mouvement qui meurt en mai, pour quelques mots de mépris, pour des miettes qui se perdent dans les fins de mois?
Nous, Nous agissons depuis les entrailles, des cimes zinguées de la ville aux terres battues des campagnes.
Nous agissons depuis les souterrains de la révolte, depuis le bon côté de l’Histoire.
Si les forces de l’ordre veulent nous trouver, elles devront emprunter des sentiers interdits.
Rien ne sert d’affronter frontalement la police, mieux vaut apprendre à lui échapper.
Qu’elles viennent, nous n’avons pas peur. Qu’elles pénètrent dans nos cosmos, là où campent les parias et les banni.e.s.
Quand la police tue, qui faut-il appeler ?
Ici, aucune désillusion : la BNP n’est rien sinon la banque d’un monde qui brûle. N°1 sur les AGIOs comme sur les énergies fossiles. 55 milliards en 5 ans dans le charbon et le gasoil pendant que le gouvernement nous essore pour en récupérer 10. La BNP est l’une des actrices principales du lobbying contribuant massivement au dérèglement climatique.
Leur système est limpide : c’est eux, les 1%, qui dévorent ce monde contre nous, les 100 visages, qui le faisons tourner.
Ceci est un appel aux nôtres : il est urgent de désobéir. Leur oppression sera toujours plus douloureuse. La fin, toujours plus proche, se refuse à venir et leur monde s’y agrippe dans une chute interminable. C’est à nous qu’il revient d’y mettre un terme. Nous ne resterons pas au service d’une caste toute-puissante.
Au nom de nos frères et de nos soeurs. Au nom de ceux et celles qui ne peuvent plus subir. Au nom de ceux et celles qui tiennent la France debout tout en gardant le front haut, celles et ceux, béni soit leur courage, qui s’interposent, qui, pris.e.s dans un présent sans futur, gardent le regard brûlant.
Au nom de l’amour. Au nom du vivant.
Puisqu’il n’y a que l’argent qui les intéresse, nous frappons là où l’argent se trouve. La seule chose que le pouvoir ne méprisera pas sera ce que nous parviendrons à leur faire payer. Il est l’heure de leur arracher en tonnes ce qu’ils nous refusent en grammes.
Appel aux nôtres : le pouvoir est logistique, il réside dans les infrastructures et les travailleu.r.se.s qui le font tourner. Inutile d’envahir l’Elysée ou le parlement, il n’y a là que des coquilles vides. Bloquons les gares, les ports, les ronds points, les péages, coupons l’électricité, sabotons les distributeurs…
Quand l’un de nos cris se soulèvera, 10 000 se soulèveront avec lui. Mars, on met fin à leur monde. Pour que les nôtres puissent éclore.