Dix ans à chercher sur la planète quel est le…
Pourquoi des échanges autour des caricatures de Mahomet dans un collège d’Ile-de-France ont-ils il ainsi basculé dans l’horreur ? Nous avons sans doute tous ensemble raté quelque chose. Il est urgent de sortir de nos certitudes et de nos convictions aveugles pour échapper à cette hyper violence. Il est temps de faire appel à la raison et au doute pour réparer deux Frances qui se déchirent
Qu’est-ce que la laïcité ? A la fois un espace où peuvent s’exprimer, sans restrictions, les différentes croyances, et un espace où l’on peut critiquer et remettre en cause ces mêmes croyances. Un espace où notre place et notre vérité sont en perpétuelle négociation. Un espace par nature conflictuel et « remuant » qui fait la force et la fragilité de ce concept si mal compris. Lorsque la certitude s’installe avec ses doctrines et ses valeurs « non négociables » comme on l’entend souvent, la République est en danger. Et c’est bien ce que nous sommes en train de vivre. Le dogmatisme des deux bords. On ne présentera pas le fanatisme de ces tenants de l’Islam qui font une lecture biaisée et erronée du Coran pour assouvir leur haine et leur soif de vengeance mais on parle moins du fanatisme (ils ne sont bien sûr pas à placer sur la même échelle) de certains défenseurs de la laïcité qui déforment à travers leurs excès la nature même de ce « traité de paix » instauré en 1905.
Si nous sommes attachés à ce principe de liberté qu’est la laïcité, devons-nous pour autant humilier des millions de croyants qui en toute sincérité pensent que leur religion est une religion de paix ? Devons-nous inférioriser des citoyens français musulmans qui dans leur écrasante majorité acceptent les lois de la République ? Dans un univers aussi confus, l’exercice de la liberté d’expression exige une once de doigté comme le dit William Marx, professeur au Collège de France. Est-ce vraiment sérieux de réduire la liberté d’expression à la seule autorisation de blasphémer les religions en toutes circonstances ? Si nous pouvons remettre en cause certains de nos concitoyens pour leurs opinions et leurs croyances (c’est le principe de la démocratie), pourquoi les bafouer. Serions-nous si pressés d’armer de nouveau les frères Kouachi ? On connaît les dangers du terrorisme et la lutte sans merci qu’il faut mener pour nous protéger. Devons-nous continuer à exciter sans but des foules immenses qui vont réveiller la folie meurtrière qui habite certains. Qu’avons-nous à prouver ? Notre supériorité intellectuelle, économique ? Est-ce ainsi que nous affirmerons la force de nos institutions. Questionnons-nous sur ce besoin d’humilier, d’attiser un conflit qui ne peut que desservir l’ensemble de l’humanité. Serions-nous si peu sûrs de nos valeurs pour ainsi rabaisser certains de nos compatriotes et provoquer des déchirures irréparables.
La mesure. La prudence. Voilà ce que devrait nous imposer cette affaire profondément traumatisante. Comment penser l’horreur sinon à travers une réflexion profonde sur les conditions de notre vivre ensemble. Le meilleur hommage que nous puissions rendre à M. Paty cet homme qui semblait sincère dans ses convictions et exerçait son métier avec passion, n’est certainement d’en rajouter à l’horreur. Mais au contraire se ressaisir et désamorcer le cycle de la haine. Dire non, nous ne pouvons prendre un tel virage. S’enfoncer dans l’absurde, l’ignominie. La France ne peut pas être ce pays où l’on égorge des enseignants pour leurs opinions. Nous avons raté quelque chose et il faut ensemble se reprendre. Poser les armes et s’ouvrir à la négociation, au dialogue.
C’est bien le contraire pourtant qui advient. Les échanges acerbes, les rancœurs, la défiance, des phrases haineuses comme si nous n’avions pas vraiment conscience de la gravité de la situation. Que se passe-t-il vraiment ? Comme le disait Nietzsche « Ce n’est pas le doute qui rend fou, c’est la certitude ». Ce sont des certitudes qui provoquent cette escalade de peur et de violence. Quand les opinions qui s’opposent deviennent des convictions aveugles, quand le fanatisme émerge des certitudes trop tranchées. Ce cycle tragique ne pourra que se perpétuer si ne nous faisons pas appel à la raison et au doute.
Les professionnels de la haine se chargent pour des raisons obscures de propager la discorde et l’affrontement. Nous laisserons-nous envahir par cette parole raciste et délétère qui se lâche sur les plateaux de télévison, sous prétexte de défendre la liberté d’expression ? Cela n’est pas la France telle que nous l’a transmise les « Lumières », ce n’est pas la France de Voltaire et de Victor Hugo. Si nous cédons à ces discours de haine et d’intolérance nous n’aurons ni la force ni la légitimité pour nous défendre face aux accès de cruauté et de folie. Cette crise de violence que nous traversons devrait être abordée sur deux fronts, le premier est celui de la répression sans merci à travers nos services de renseignements à l’échelle européenne et mondiale pour démanteler les réseaux criminels. Le second est la prévention. Nous avons besoin de construire des réseaux de solidarité, d’être sur le terrain pour lutter efficacement contre cette vieille barbarie. Préserver une certaine jeunesse fragile et désorientée des prédateurs qui les guettent pour les faire basculer dans le pire. Nous ne pouvons pas ainsi laisser la France se déchirer. Les États-Unis sont le parfait exemple de cette dérive inquiétante avec un Président qui pendant quatre ans a « excité » deux camps qui s’opposent, deux visions de l’Amérique, jusqu’à une quasi-guerre civile. Le meilleur hommage que nous puissions rendre à M. Patty est de ne pas nous laisser enfermer dans cette spirale de certitudes et de haine mais de rechercher en toutes circonstances la « réparation » de cette France au bord du déchirement.
Dix ans à chercher sur la planète quel est le meilleur endroit pour vivre et comment. Quelques dommages collatéraux et à trente ans un changement de cap qui m’a fait comprendre le dessous des cartes en termes d’économie et de politique. Passionnant. Un retour aux sources depuis dix ans qui ne me laisse plus le choix sinon de renverser la table . Maxime : « Ne jamais lâcher l’affaire. »