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Cachez ce burkini que je ne saurais voir

Cachez ce burkini que je ne saurais voir

Encore lui ! Le burkini s’invite dans une énième polémique. Tout le monde trouve son compte dans cette déplorable affaire. Nos gouvernants qui détournent ainsi nos regards des questions de fond. Les extrémistes qui se réjouissent de cette polémique qui arrange bien leur petit business. Pathétique…

La polémique sur le burkini dans les piscines fait rage comme fait rage la guerre aux portes de l’Europe et la divise. Pour ou contre ? Le port du maillot de bain intégral appelé burkini, obtenu à une très courte majorité par le maire écologiste Eric Piolle 16 mai 2022, n’a pas eu le temps de se jeter dans le grand bain qu’il reste suspendu depuis le 1er juin 2022 dans les vestiaires jusqu’à la décision finale du conseil constitutionnel. Nul doute que notre ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est empressé de demander à la préfecture de faire un « déféré laïcité » auprès du juge du tribunal pour suspendre cette décision audacieuse dont « l’objectif manifeste [était] de céder à des revendications communautaristes à visées religieuses ». Dans sa décision, le tribunal a estimé que le port du burkini « portait gravement atteinte au principe de neutralité du service public ».

Le burkini dans les piscines menacerait la laïcité, ahahah…

« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », disait Camus. C’est précisément ce qu’illustre la polémique autour du burkini dans les piscines qui menacerait la laïcité. Selon le préfet, l’autorisation du port du burkini dans les piscines grenobloises va à l’encontre du principe de laïcité posé par loi de 1905. FAUX. Les usagers ne sont pas soumis à l’exigence de neutralité dans l’espace public et peuvent afficher leurs convictions religieuses – turban, kippa, voile, foulard, croix, étoile de David, croissant, etc. –, sauf en cas de trouble à la bonne marche du service, à l’ordre public ou d’atteinte aux droits et libertés d’autrui.

Sont également évoqués les questions d’hygiène. Or qui peut jurer que sous le maillot de bain féminin homologué en piscine un morpion ne se cache pas dans la toison ? Que l’on soit en mono/bi ou bur-kini, la planque du pou du pubis ne reste-t-elle pas inviolable ? Quelle garantie d’hygiène dans les trois versions du « kini » garantit le mieux l’hygiène, monsieur Darmanin ? Toutes ou aucune. Donc, argument retoqué.

Des institutions qui détournent la loi de 1905

Les conclusions du tribunal administratif seront sans doute rejetées par le conseil constitutionnel, mais la polémique est lancée. Une institution détourne l’esprit de la loi de 1905 – que la plupart des citoyens connaissent très imparfaitement – pour répandre l’idée d’un problème « musulman »,  pour suggérer qu’il existe de faux Français rétifs à l’ordre républicain et prédisposés à l’insoumission. C’est une construction idéologique dont les franges de l’islam les plus extrémistes se réjouissent ouvertement et qui entraîne irrémédiablement des formes d’incompréhension et de rejet, sinon de haine et surtout détourne l’attention d’autres sujets sociétaux bien plus cruciaux.

C’est donc le sous le couvert abusif de principes qui structurent nos institutions (laïcité) que nous résistons avec virulence à une réalité qui nous enchaîne, celle de l’impensé colonial. Un passé non assumé qui édifie encore aujourd’hui nos relations avec les Français issus de l’immigration. Une histoire, lourde, violente pleine de frustrations, de honte, de refoulements que nous n’avons jamais regardé en face. Une déconstruction positive reste pourtant la seule alternative pour faire vivre dans nos mémoires, dans la transmission de notre histoire, le point de départ d’une histoire commune. Déconstruire les mythes qui charrient leurs lots de mensonges et d’incohérence pour mieux s’inscrire dans la réalité complexe du XXIe siècle. S’attaquer aux « points durs » de la colonisation qui freinent les communautés dans leur reconnaissance.

La nécessité de déconstruire

Il est urgent que la France, sans s’égarer dans la repentance et la culpabilité (que personne n’exige) fasse le bilan moral et économique de ces années de guerre et d’occupation pour donner aux migrants la place symbolique qui leur revient dans une société qu’ils ont contribué à construire. L’héritage des migrants ne peut plus se réduire à une expérience de discriminations transmises de génération en génération. Elle ne peut plus se construire sur l’expérience d’un rejet qui les pousse à se protéger d’une dilution identitaire et freine leur engagement.

Prendre nos responsabilité dans une histoire que nous avons construite avec l’Afrique

En manipulant nos juridictions comme nous le faisons avec la laïcité, nous tombons dans le piège que nous tendent les extrémistes de tous bords, de monsieur Zemmour aux intégristes religieux qui se réjouissent des surenchères. Nous faire vivre dans la confusion, l’erreur et la dépendance. C’est au prix d’une déconstruction positive et seulement à ce prix que nous échapperons aux politiques de peur et de faux-semblants qui minent nos consciences et nos raisons d’être. Le burkini est l’arbre qui cache la forêt. C’est une polémique de « cour d’école » au regard des enjeux qui pèsent sur le monde. Nous devons en prendre conscience en assumant nos responsabilités dans cette histoire commune que nous avons construite avec l’Afrique.

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