Universalisme est le titre du nouvel opus commun de Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau aux éditions Anamosa. Un effort de définition pour la collection “le mot est faible” pour mieux en saisir les enjeux. Les mots ne sont jamais utilisés par hasard, ils ont un sens qu’il s’agit de dévoiler et c’est précisément le projet de ce livre.
Dans « Universalisme », le livre de Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau, nous pouvons lire p.7 :
« La syntaxe ne ment pas : universaliser est un verbe transitif, comme coloniser. Il établit un rapport de domination entre le sujet universalisant et l’objet sauvage à universaliser, coloniser, civiliser. »
Le discours « républicain » actuel produit une forme de verrouillage qu’il s’agit de mettre au jour pour ne plus être dans la temporalité de la réaction mais dans l’action. Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau reviennent donc sur le terme « Universalisme » pour se le réapproprier. Ce faisant, l’objectif est de réconcilier les tenants d’un universalisme qui ne voit pas les couleurs avec l’antiracisme effectif pour un avenir commun apaisé.
Le 2 février 2022 (2/2/22), la librairie Le pied à terre recevait Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau pour la sortie de « Universalisme » dans la collection « Le mot est faible » des éditions Anamosa.

Nous connaissons actuellement une polarisation forte entre les antiracistes et universalistes. Pour Mame-Fatou Niang, il s’agit d’une invention pure et simple puisque seule l’humanité existe. Cette mise en exergue de camps opposés serait donc une forme de distraction.
La nécessité d’écrire un texte à 4 mains pour sortir de la temporalité forcée de l’opposition.
Pour l’autrice, ce travail a été nécessaire afin : « De se poser, de s’entendre respirer, d’être dans notre temporalité. De se plonger dans les mots, dans le mot, du mot à partir de nous. Ne pas être dans l’opposition, dans la réaction mais l’action, de penser de manière sereine, personnelle, individuelle mais en relation à partir de nos pensées ».
Pour Julien Suaudeau, l’enjeu était de finir avec : « le monopole de la pensée . Où ceux qui ne sont pas d’accord, sont anti-universalistes, ou du moins n’ont pas compris l’universalisme à la française et l’esprit des Lumières. Beaucoup de présupposés, de postulats qu’ils ont essayé de déconstruire».
Une fresque problématique est le point de départ de cette réflexion.
L’origine de cette réflexion commune démarre en mars 2019. Mame-Fatou Niang, venue au Palais Bourbon pour la projection de son film « Mariannes noires », découvre la peinture de Hervé Di Rosa.

Dans une tribune dans L’Obs, intitulée « Banalisation du racisme à l’Assemblée nationale : ouvrons les yeux », la réalisatrice et l’écrivain Julien Suaudeau dénoncent la réduction des “Noirs à une vision humiliante et déshumanisante ». Tout le spectre politique, de l’extrême droite à l’extrême gauche, se lève contre elleux.
« Une litanie de totems » va leur être imposée. Du : « l’oeuvre ne peut pas être raciste car la race n’existe pas en France ». En passant par le classique : « Vous parlez de races, c’est vous les racistes ». Ou encore l’hallucinant : « l’oeuvre ne peut pas être raciste car elle est dans l’Assemblée Nationale qui est un rempart , une kryptonite, dira même un député, contre le racisme ». Ou le décupabilisant « L’artiste ne peut pas être raciste car il fait venir 120 artistes de Kinshasa ». Parmi les arguments pour la défense de l’oeuvre, le plus intéressant pour Mame-Fatou Niang est l’Innocence.
Une « innocence » qui dédouane.
« L’objet ne peut être raciste car nous n’avons jamais appris qu’il l’est ».
Cette innocence dont parlait déjà James baldwin comme le rappelait Julien Suaudeau.
« Ce droit de ne pas savoir, de ne pas être comptable et constitue l’ultime avatar du privilège blanc. »
Cette innocence entretenue par des candides qui ne s’embarrassent pas des paradoxes. S’auto-proclamer universaliste, incarner les lumières, l’alpha et l’oméga et se défendre par l’innocence, autrement dit, l’ignorance. C’est faire fi de toutes les voix qui se sont levées pour réclamer un monde plus ouvert, plus juste et plus solidaire. Face à ces voix multiples et diverses, c’est une voix unique et neutre qui est opposée. Présentée comme absolument républicaine elle en devient tyrannique.
Tous ces rideaux de fumée, Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau les déroulent un à un, au fil du livre. Des réflexions et des solutions pour se rappeler que « l’universalisme, qui appartient à tout le monde et à personne, ne doit pas donner lieu à un système »
« Universalisme » de Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau, 104 pages, 9 euros, est un bon investissement intellectuel.
