pixel
Now Reading
« Les Amoureux de la révolte » Interview de l’artiste Veneno

« Les Amoureux de la révolte » Interview de l’artiste Veneno

« Pour moi, cette série représente le romantisme dans la révolte.
La devise de la France est depuis un bon moment déjà bafouée et je pense que la série « Just the two of us »  insuffle ce léger vent de liberté, d’égalité et de fraternité dont on a tous besoin en ce moment. »

Comment t’es venue l’idée de cette série sur les amoureux cagoulés ?

Pratiquant la gravure depuis 2016, mes gravures évoluent en fonction de mes expériences de vie, des rencontres et parfois de l’actualité du moment.
Mon travail s’articule autour des contrastes et des dualités dans toutes les disciplines et techniques que j’aborde : graffiti, illustration, crochet et gravure.

L’idée a fleuri après avoir réalisé une gravure puis un graffiti sur une mère Zapatiste et ses deux enfants. Ayant vécu trois ans au Mexique, c’est un thème qui m’a touchée.
Dans cette scène de vie, une mère Zapatiste du Chiapas, apprête ses deux enfants en leur couvrant le visage avec une cagoule et un bandana afin de les préparer à lutter pour leurs droits. Avec cette gravure on retrouvait déjà un contraste avec l’amour et la guerre.

Puis j’ai souhaité développer le concept en tenant compte du contexte actuel en France. Avec tout ce qui est en train de se passer en ce moment, la privation de nos droits et libertés, la répression et les violences policières, la manipulation de la part de l’état, la mort de la culture et des plaisirs en général de la vie… Une révolte s’est emparée de moi et j’ai eu besoin à ma manière de la faire sortir.

En faisant des recherches je suis tombée sur une photo qui m’a énormément marquée. On y voit un couple de manifestants s’embrasser, le visage enveloppé dans leurs t-shirts avec en arrière-plan des flammes qui dansent et une scène de chaos total.
J’ai trouvé ça très poétique.
Cela m’a tout de suite fait penser au baiser « Les Amants » du peintre Magritte, mais aussi à la statue des amoureux de Rodin. Tout cela mis bout à bout a fait naître cette première gravure sur linoléum intitulée « Passion ».

Parles-nous de ta série « JUST THE TWO OF US ».
J’ai voulu retranscrire à travers cette série plusieurs émotions. La passion dans un premier temps, la tendresse puis la complicité et la protection . Chaque sentiment met en scène un nouveau couple. J’ai fait en sorte que n’importe qui puisse s’identifier à eux et pour cela, le fait qu’ils soient masqués et cagoulés aide énormément. Pour moi, cette série représente le romantisme dans la révolte. Ce qui est drôle c’est que je me rends compte qu’elle touche une très large population venant de milieux complètement différents… On y retrouve l’univers des Black blocs, des manifestants pacifistes, des anarchistes, du graffiti et parfois même m’a-t-on dit de la communauté LGBT.
J’aime le fait que ma série parle à des personnes de tous les âges, sexes, nationalités et milieux différents.
La devise de la France est depuis un bon moment déjà bafouée et je pense que la série « Just the two of us »  insuffle ce léger vent de liberté, d’égalité et de fraternité dont on a tous besoin en ce moment. 

J’ai imprimé toute la série de gravures au Musée de l’Imprimerie de Nantes. Une aubaine pour moi de pouvoir évoluer et imprimer sur des presses aussi anciennes que belles. C’est un lieu magique !
Chaque gravure est estampillée par le Musée puis signée et numérotée.

« Passion »
« Tenderness »
« Complicity »
« Protect »

Tu as à la suite de l’impression de tes gravures, réalisé ta série en graffitis sur les murs de Paris et de Nantes, peux-tu nous en parler ?
C’est effectivement lors d’une fresque organisée par le collectif Black Lines, à laquelle j’étais invitée à participer, en Décembre 2020, que j’ai peint ma première gravure de la série « Just the two of us » : « Passion ».
 Cette fresque a été réalisée rue Henri Noguères dans le 19e à Paris aux côtés de beaucoup d’autres artistes. Cette fois-ci nous avons abordé le thème « sécurité globale ».

Photo : Richard TASSART

Puis a suivi l’invitation d’HIYA! et de Black Lines, à participer au projet Berlin 93 dirigé par l’artiste Lask du TWE crew, qui a pour but de créer un espace dédié aux cultures urbaines et à l’événementiel dans un ancien hangar désaffecté en Seine-Saint-Denis.
Un lieu incroyable dans lequel nous avons avec plusieurs graffeuses et graffeurs recouvert les murs aux couleurs du collectif Black Lines (Noir, blanc et rouge). Je les remercie pour cette invitation.
J’y ai peint la gravure « Tendresse ».

Ensuite il y a eu la Block Party organisée par HIYA devant l’Odéon de Paris, en soutien à la culture et aux artistes. Un sacré défi en ces temps de confinement punitif ! Mais ce fut un réel succès.

Nous avons avec les artistes Itvan.K et Lask réalisé une fresque Black Lines sur le parvis de l’Odéon.
Sur notre fresque était représentée « la jeune fille à la perle » tenant un cocktail molotov dans les mains (par Lask). Une scène d’émeutes et d’affrontements (par Itvan.K) et ma gravure « Complicité ».

Photo : Florimages
Photo : Florimages

J’ai eu par la suite l’occasion d’organiser une fresque Black Line à Nantes le mois dernier où j’ai choisi comme thème « Liberté bafouée ». Une quinzaine d’artistes a répondu à l’appel.
Sur cette fresque, un nouveau couple cagoulé a vu le jour.

Photo : Antho Niel

Je pense continuer de faire naître « les Amoureux de la révolte » ainsi que d’autres « cagoulés » sur les murs de France et à l’étranger.

Veneno pour Horachek

Peux-tu nous parler de la collaboration avec l’artiste Itvan.K sur la série JUST THE TWO OF US ?

Itvan.K est un artiste qui évolue dans le milieu revendicatif et subversif, forcément, on a eu envie de voir ce qu’une collaboration sur cette série pouvait donner et j’en suis vraiment ravie.
J’aime énormément son travail et le côté instinctif de son trait que l’on retrouve aussi bien dans ses graffitis que dans ses encres de chines. Ses œuvres sont à la fois violentes et très poétiques.

L’idée était d’imprimer une petite série de mes gravures et qu’il intervienne dessus à l’encre de chine. Une fois de plus un contraste intéressant est né entre le côté figé des personnages de mes gravures et la fluidité que l’on retrouve dans les scènes en mouvements d’Itvan.
Ainsi nous avons pu recréer tout un univers de romantisme et de révolte avec en premier plan les scènes de baisers des couples cagoulés et les scènes d’émeutes, d’affrontements et de voitures brulées en second plan.
Chaque pièce est unique, numérotée et signée.

« Passion »
« Tenderness »

Toujours dans les déclinaisons, ta série se retrouve également sur des T-shirts, est-ce une manière de rentre ton art abordable pour certaines personnes ?

C’est exactement ça. J’ai eu envie de donner l’opportunité aux personnes ne pouvant s’offrir une de mes gravures originales, d’acquérir quelque chose issu de la série. C’est pourquoi j’ai sorti cette collection de T-shirts. Imprimés à Paris par les amis d’Obvious store, un duo de graffeurs que j’ai rencontré en 2017 autour d’une peinture. Je suis super contente du résultat.

Où peut-on se procurer les gravures et T-shirts de la série « Just the two of us » ? Directement sur mon instagram : missvenenoone ou facebook : El Veneno en MP.

Un mot de la fin ?

En tant qu’artiste HIYA, je tiens à remercier ce média de nous permettre en ce moment de pouvoir continuer à faire vivre la culture à travers les évènements ou les projets comme ceux réalisés depuis son lancement. HIYA a su nous donner de l’espoir et démontrer qu’il est possible d’avancer et de bousculer la culture.  

Scroll To Top