Au matin de ce 4 juillet, l’Académie française s’est réveillée avec un nouveau drapeau. Le bâtiment du Collège des Quatre-Nations (quai de Conti, dans le 6ème Art de Paris), où siège l’Institut de France, a été visité durant la nuit par un artiste qui a remplacé le tricolore par une création plus à même d’exprimer la diversité des arts et la culture. Par ce geste, Ecilop conteste la prétention des académies à détenir le monopole de la parole légitime pour dire le beau, le bien, le juste et comment le dire.

Du monopole de la violence physique au monopole de la violence symbolique
La prétention des puissants ne connaît aucune limite. Sans borne, ils ne se contentent pas d’exercer le monopole de la violence physique (i)légitime à travers l’État. Ils veulent encore étendre leur domination sur le beau et le juste, ainsi que sur les mots pour les dire. C’est la fonction de leurs Académies (« française », des « belles-lettres», des « sciences », des « beaux-arts » et, ça ne s’invente pas, « des sciences morales et politiques »).
Dire le vrai, le beau, le juste, le moral et définir chaque mot que la langue française autoriserait, voilà ce à quoi prétend l’hubris (ou la folie des grandeurs) de l’État français depuis Richelieu. Loin d’être abandonnée par la Révolution, cette prétention s’est étendue et codifiée par l’obsédé des Codes (racistes et myosines) : Napoléon.
Depuis, « tous les monuments républicains sont scélérats », comme le dit Ecilop pour qui la splendeur monumentale des édifices, tel que celui hébergeant les académies, n’a d’autre fonction que de diffuser la peur. Il s’agit d’écraser les personnes. Et ce « au nom du peuple ». Ces édifices prestigieux disent exactement l’inverse de ce qu’ils prétendent dire. Ils ne parlent pas au nom des peuples mais contre eux. L’Académie c’est la voix des puissants. Celle qui écrase et interdit.
Mais leur légitimité est factice. De même que les ministres de l’Intérieur se trompent, par contre-sens et roueries, sur le sens de la phrase de Max Weber sur la violence légitime de l’État. La violence qu’exerce l’État à l’intérieur de son territoire n’est pas légitime en soi. La légitimité est fragile et peut parfaitement se rompre, rupture que consume allégrement policiers et gendarmes à longueur d’année. Cette illégitimité de la violence est d’autant plus facilement atteinte que sa légitimité est invoquée par des personnages aussi méprisables que des Darmanin (qui n’est que le nom changeant de la constante infamie qui siège au ministère de l’Intérieur).
Renverser les objets, leurs sens à l’endroit
En contestant la légitimité de l’Académie, ce n’est pas la première fois qu’Ecilop tente de remettre les choses à leurs places. Ainsi, son intervention sur des voitures de police. Celles-ci, une fois renversées, donnaient à voir le sens de la violence de leurs occupants habituels. Pas une violence en défense du peuple, une violence contre le peuple. Un renversement pour saisir la police, non en gardienne de la paix mais de l’Ordre injuste. Cet Ordre qui nous fait la guerre pour se maintenir.
Aujourd’hui, ils prétendent gouverner avec des algorithmes sensés prévoir nos desseins et prévenir nos colères. Cette prétention techno ne fait que prolonger celle, plus fondamentale encore, de décider de la langue, de ce qui est beau, de ce qui est juste. Il s’agit toujours de nommer, de normer, afin de contrôler le champ des possibles. Réduire le champ du possible à leur seule domination.
L’Académie française destituée

Mais, en vrai, l’Académie n’est qu’un monument de leur panique de se savoir si fragile. Leur prétention de contrôler la langue est, précisément, le signe manifeste qu’elle leur échappe. Elle déborde de toutes parts. En tous temps et partout, c’est la rue qui invente l’avenir de la langue. Celle-ci ne se réinvente pas dans le cours de Français mais dans les cours de récré, là où les enfants conspirent et construisent des complicités qui échappent à la langue des professeurs. La langue c’est la rue, pas l’académie. Le beau c’est nous divers et inventif, pas des vieux rassis pétris de certitudes criant pour faire taire.
Ils pourront s’égosiller tant qu’ils voudront depuis leurs sièges d’« immortels », ils ne parviendront jamais à faire taire les millions de voix qui inventent chaque jour une langue vivante. Leurs cris et leurs interdits raisonneront toujours dans le vide de leurs grands monuments, dans la mort des jours passés. Nous sommes l’avenir, un drapeau patchwork qui se dresse aujourd’hui au fronton de leur Académie des vanités séniles.

L’Académie française destituée aujourd’hui est une invite à ne pas se laisser déposséder de la langue.