«Voici les merveilles de la Chine : mines de bitcoins, camps de travaux forcés où les enfants fabriquent des smartphones.» Ces quelques mots auront suffit pour que la censure chinoise s’éveille. Sans surprise, le régime de Xi Jinping est bien celui de la susceptibilité, en plus de l’autoritarisme.
Insolent et sarcastique : c’est pourtant la signature de la célèbre œuvre de Matt Groening : Les Simpson. Depuis son origine, la série, garnie de 34 saisons, suscite parfois des controverses, bien légitimes. Et ses clins d’œil sarcastiques à l’actualité n’échappent à personne, à commencer par les autorités chinoises. Récitée en quelques secondes par un des personnages du dessin animé, la malheureuse ligne sur le travail forcé en Chine en montre le triste exemple. Dans le 2ème épisode de la dernière saison, «One Angry Lisa», figure un instructeur de vélo derrière lequel défilent plusieurs lieux emblématiques de la planète. «Voici les merveilles de la Chine : mines de bitcoins, camps de travaux forcés où les enfants fabriquent des smartphones», lance l’entraîneur posté devant la Grande Muraille de Chine. Un raccourci radical mais réel de ce que représente aujourd’hui l’Empire du Milieu. Alors rapidement repérée, cette scène disparaît de la plateforme Disney+ à Hong Kong, dans le plus grand des calmes. Mais l’ampleur de la censure cinématographique des Simpson n’est pas innocente. Elle touche la mémoire collective.

La «terreur blanche»
Auto-censure du géant américain ou censure nationale… Rien de nouveau pour la Chine qui plonge sa population dans une «terreur blanche». En 2021, un autre épisode de la célèbre famille des Simpson manquait au compteur de la saison 16. Mais cette fois-ci, c’est la mention du massacre de Tiananmen en 1989 qui a irrité le silence hypocrite chinois. «Sur ce site, en 1989, il ne s’est rien passé», peut-on lire sur un panneau dans le 12ème épisode «Goo Goo Gai Pan». Quelques scènes plus tard, un personnage se retrouve seule face à un char. Une référence bien explicite à la photographie historique du jeune étudiant protestataire.



Le «Printemps de Pékin»
En avril 1989, la jeunesse chinoise lance un mouvement de contestation pour demander la fin de l’oppression contre le régime en place. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, après deux mois d’occupation étudiante, le Printemps de Pékin s’achève dans le sang de plus d’un milliers de jeunes sur la célèbre place Tiananmen. Un massacre de masse dont le gouvernement n’assume toujours pas la responsabilité.
Si le 7ème art n’a jamais véritablement été libre en Chine, la censure s’exerce avec rigueur. Provoquant parfois même des générations de réalisateurs clandestins. Dénigrer son régime ou dérouter sa ligne politique et la censure s’embrasera. Pour un artiste emprisonné, un épisode censuré, une scène coupée ou un mot bipé, c’est toute la liberté de la production artistique qui est défiée. Tour de vis. En avril 2021, une mesure digne de la propagande imposait à toutes les salles de cinéma de projeter au moins deux fois par semaine des films à la gloire du Parti communiste chinois. Pour flatter l’égo du pouvoir, c’est tout un secteur qui est rongé.
Contrecoup : censurer l’art le rend plus visible, au grand dam de Pékin.