Les films de danse sont légions dans les années 2000. Parmi toutes ces fictions, un documentaire fait grande impression : Rize de David LaChapelle, avec cet avertissement à sa sortie en salle « Les images n’ont pas été accélérées ! »
Un univers glamour à mille lieux de celui des Damnés de la Terre
David LaChapelle est un photographe et un vidéaste américain. Il est connu pour ses portraits de célébrités, son imaginaire conceptuel et coloré entre surréalisme et Pop art.
Pourtant, David LaChapelle, avec son film Rize, va à la rencontre des habitants des « ghettos » du cœur de Los Angeles, pour découvrir cette nouvelle forme d’expression artistique.
Depuis sa rencontre avec Tupac Shakur, le rappeur, poète et comédien tué en 1996 à l’âge de 25 ans, David LaChapelle se sensibilise au Rap et à la culture qui l’entoure. Quelques mois avant la mort tragique de Tupac Shakur, en avril 1996, loin de son univers, glossy, provoc et glamour habituel, David LaChapelle fait une magnifique série photographique du poète du rap.

En 2002, en tournant le clip vidéo pour le titre Dirrty de Christina Aguilera, David LaChapelle découvre la tripper dancing ou Trippin’. Comme expliqué dans Rize, une nouvelle danse arrivée de nulle part, surgie dans les soirées. Le danseur ou la danseuse sur ses jambes écarté avec le buste penché, secoue son popotin d’avant en arrière, dans sa version basique. Pour les plus doué.e.s, il existe des variantes avec des rotations de bassin.
Dans Rize, la chanson Soar de Christina Aguilera accompagne une séquence de moments de vie familiale des protagonistes. Comme un remerciement à l’artiste de lui avoir fait découvrir le trippin’.
La danse pour lutter
Rize est un film sur la danse mais présentée par le prisme de son rôle social.
Le film ouvre sur les émeutes de 1965 dans le quartier noir de Watts de Los Angeles, suite à une altercation entre trois membres d’une famille afro-américaine et des policiers blancs. Puis les émeutes de 1992, suite à l’acquittement des quatre policiers blancs qui ont violemment agressé l’africain américain Rodney King. 2002, la caméra de David LaChapelle, filme une jeune femme, penchée sur la coffre d’une voiture qui pourrait être une voiture de police. Ses mains sont comme attachées dans le dos, deux autres jeunes femmes la frappent. Elles miment les violence policières. Mais petit à petit, elles se détachent, s’en détachent, sautent le poing levé. Changement de paradigme ! David Lachapelle pose les jalons : l’entrée dans l’Histoire de ce nouveau courant de danse.
Rize dévoile un processus de sublimation de l’aliénation sociale et raciale des jeunes des quartiers noirs. La constitution d’une contre-culture artistique et politique comme une alternative aux gangs et au trafic de drogues. L’émergence d’un mouvement pacifiste et positif, le clowning.
La danse comme alternative
Depuis l’avénement du mouvement Hip Hop, l’arène est celle du Battle et non plus celle de la rue.
Pour éviter que certains ne sombrent, Tommy Le Clown, ex-dealer, lance un groupe de danseurs déguisés en clowns. Ils animent des fêtes, des anniversaires. Les Bloods et les Crips, les gangs créés fin des années 60, début des années 70, continuent début des années 2000, à faire des ravages parmi la jeunesse des quartiers défavorisés noirs de Los Angeles.
Tommy le clown est le passeur du film. Il nous accompagne tout au long de ce processus de découverte. Ancien délinquant transformé en éducateur de South Central et en role model, fait des émules.

Être clown devient un totem d’immunité. Le phénomène du clowning se développe alors et en appelle d’autres comme le stripper dancing puis le krump. Les valeurs restent communes : le respect, la famille et la danse !
La danse, une reconnexion
La danse pour lutter, évacuer les douleurs et les peines, transformer en énergie positive, la violence de notre monde. C’est aussi affirmer une identité noire, en allant puiser dans la danse, ses racines africaines.
Les danseurs et les danseuses se peignent le visage comme les guerriers en Afrique. Ils s’affrontent symboliquement dans les battles qui reprennent le cercle des combattants africains lors de cérémonies. C’est une bataille de groupe dans laquelle chacun s’exprime individuellement, existe par la manière dont son corps vibre, exulte. Danser devant les autres, avec les autres et être jamais seul.e.
Lors de ces battles, la grâce de la transe pourra toucher certain, certaine. Comme l’une des danseuses lors d’une séquence de Rize. David Lachapelle demande alors ce qui s’est passé et Baby Tigh Eyez lui répond.
« She just struck ! That’s what we all wait on » (Elle vient de frapper ! C’est ce que nous attendons, tous)
Baby Tigh Eyez dans Rize
Le krump, le clowning, le poppin’, le trippin’… ces danses donnent un exutoire à cette génération défavorisée, la possibilité de transe et une transcendance de leur condition. Elles permettent également de se connecter à leur famille, d’en créer de nouvelles.

David LaChapelle offre avec Rize, une vision de la jeunesse africaine américaine très différente de ce qui nous est généralement proposé dans l’imaginaire dominant donc collectif.