pixel
Now Reading
Hip Hop Cinéma Ep #1 – La cosmogonie et la Blaxploitation

Hip Hop Cinéma Ep #1 – La cosmogonie et la Blaxploitation

Tout le monde sait ce qu’est le cinéma. Tout le monde voit ce qu’est le hip hop. Mais le cinéma hip-hop, quelqu’un.e a sa définition? Pour cette chronique, je vous propose une perception toute personnelle et ma cosmogonie du cinéma hip hop démarre avec la Blaxploitation.

Mais avant, posons des petites bases : le hip hop

Le Hip-hop apparaît au début des années 70, dans les ghettos américains du Bronx. Ce courant donne naissance à un mouvement contestataire de la jeunesse noire new-yorkaise. Il s’exprime au travers de différentes disciplines. Cette culture hip hop regroupe quatre principaux modes d’expression comme le rap, le deejaying, le graffiti et le breakdance.

Pour reprendre les mots de Benjamine Weill, philosophe et spécialiste du RAP, dans la culture hip hop se trouvent des éléments comme le système D (débrouillardisme), le retournement de systèmes, la volonté de ne pas se laisser conter. À travers le faire, co-existent la pensée et action pure, la technicité mais aussi le visible et l’invisible, les non-dits.

La Blaxploitation, le retournement du système.

La Blaxploitation est un cinéma né aux Etats-Unis des les années 1970, mis en scène et interprété en majorité par des gens de la communauté afro-américaine. (j’utilise la terminologie des années 70’s)

Sweet Sweetback’s Baad Asssss Song de Melvin Van Peebles, 1971.

Le premier film, Sweet Sweetback’s Baad Asssss Song a été tourné à Los Angeles en Californie en 1971 par Melvin Van Peebles. Il a réussi à allier dans ce film langage cinématographique et politique. Il a maîtrisé la fabrication de son long métrage d’un bout à l’autre de la chaîne jusqu’à la diffusion. Cette production indépendante d’un budget de 150 000 dollars rapporta plus de 15 millions de dollars.

La même année sort Shaft, cette fois-ci produit par un grand studio mais toujours réalisé par un noir, Gordon Parks. Le film le plus emblématique du genre par son succès planétaire notamment grâce à la musique originale d’Isaac Hayes que vous connaissez forcément.

Shaft de Gordon Parks, 1971.

Les premiers succès de la Blaxploitation font réaliser aux studios de production l’existence d’une niche dans le marché du cinéma, le public noir.

La Blaxploitation, des héros et des héroïnes noir.e.s.

Les films de la Blaxploitation reflètent les aspirations des noir.e.s aux droits civiques, leurs difficultés quotidiennes, mais aussi la prostitution, la drogue, la corruption, le racisme de la part des policiers, les viols…

Inspirés de l’idéologie du Black Power, ces films montrent des acteurs, actrices afro-américain.e. s dans des situations d’hommes et de femmes fier.e.s et libres de leurs choix de vie. Ces personnages noirs résistent aux blancs et leur répondent.

Il est alors impossible de passer à côté de Pam Grier, l’icône de la Blaxploitation. Dans les années 70, elle était parmi les actrices les plus rentables d’Hollywood. Aux côtés de Barbra Streisand et de Liza Minnelli. Coffy (1973) et Foxy Brown (1974) permettent à Pam Grier de créer des personnages d’anges de la vengeance, adeptes du fusil à pompe, indépendants et sexy (le mâle gaze des hommes réalisateurs …)

Discussion entre le réalisateur Warrington Hudlin et Pam Grier de son rôle dans « Coffy » de Jack Hill et de l’évolution du rôle des femmes dans la société américaine.

La Blaxploitation, au cinéma des clichés aussi…

Les productions se systématisent et les scénarios sont formatés. Toujours des histoires en milieu urbain, avec des gangsters, des dealers, des pimps séducteurs, des femmes sculpturales et très souvent en petites tenues… autour de la drogue, de la prostitution, de meurtres… Mais ces caricatures restent différentes de celles des films hollywoodiens des années 1930, 1940 ou 1950. Ils ne montraient les noir.e.s que dans des rôles de danseurs, danseuses de cabaret, serveurs, nounous, bandits ou esclaves.

La Blaxploitation était au moins faite en majorité par des réalisateurs noirs et jouer par des acteurs, actrices noir.e.s. De nos jours, nous dirons que ces films étaient faits par les concerné.e.s pour créer leur propre imaginaire. Et c’est sans oublier l’importance du contexte historique et sociologique de sa naissance et de sa nécessité à cette époque, aux États-unis.

Car Wash de Michael Schultz, 1976.

La Blaxploitation, la revendication politique et sociale.

Les années 70 sont marquées par la fin de la guerre du Vietnam. Quelques années seulement séparent la Blaxploitation des émeutes de Watts, de la mort de Malcolm X et de celle de Martin Luther King. Le combat de l’égalité a perdu ses leaders et cherche de nouvelles solutions, les bavures policières se multiplient.

C’est dans une Amérique au racisme exacerbé et violent que les responsables des studios hollywoodiens décident de prendre une mesure symbolique en ouvrant leurs portes à trois réalisateurs afro-américains, avec l’idée de la refermer aussitôt après eux. Gordon Park avec La Colline des potences, puis Shaft, Michael Schultz avec Car Wash et Melvin Van Peebles avec Watermelon Man sont les trois seuls à profiter de cette opportunité.

Watermelon Man de Melvin Van Peebles, 1970

L’existence de la Blaxploitation est à l’époque un formidable doigt d’honneur aux conservateurs et nationalistes américains. Ces films ont affirmé l’existence de la communauté noire et de sa culture, en lui redonnant sa fierté. Ce mouvement trouve un écho naturel avec la naissance du Hip-hop.

View Comments (0)

Leave a Reply

Your email address will not be published.

Scroll To Top